Abolition du cours plancher par la BNS, qu’est-ce que ça change ?

Abolition du cours plancher par la BNS, qu'est-ce que ça change ?La BNS a créé un séisme cette semaine en abolissant le cours plancher de 1.20 avec l'euro. L'EUR s'est déprécié de 18% par rapport au CHF tandis que la bourse suisse a connu un krach historique (baisse de 13% sur la semaine). Passé le moment de surprise, si on prend un peu de recul on peut se demander s'il y a fondamentalement quelque chose de changé, ou s'il l'on retombe simplement dans la normalité.

En effet, d'un point de vue historique on sait que :

  • Le CHF est une monnaie refuge, un peu l'équivalent de l'or pour les devises.
  • Le dollar est une monnaie structurellement faible, même si à court terme il peut connaître des soubresauts de fierté.
  • Pour l'euro on a moins de recul, mais on sait déjà que c'est une monnaie "fourre tout", un amalgame qui n'a jamais vraiment fonctionné jusqu'ici et qui semble avoir plus tiré du côté de ses ancêtres latines que du Deutschmark.
  • La bourse monte quand les monnaies se dévaluent, et vice-versa.

Certes la bourse suisse s'est dévalorisée, mais en même temps le CHF s'est renchéri. La valeur intrinsèque réelle des titres n'a fondamentalement pas vraiment changé, même s'il est vrai que les perspectives des industries d'exportation se sont assombries. L'investisseur qui détient des actions helvétiques se retrouve avec des placements qui ont baissé dans leur monnaie mais dont cette dernière s'est renchérie. C'est assez facile à comprendre pour un investisseur dont le référentiel n'est pas le CHF, ça l'est un peu moins pour l'investisseur helvétique.

Pour ce dernier, il y a deux cas de figure, qui ne s'excluent pas l'un l'autre :

  • Il investit dans des actions suisses. Dans ce cas en une semaine il vient de perdre en moyenne 13%.
  • Il investit dans des actions étrangères. Comme le CHF a pris l'ascenseur, les autres devises se sont dépréciées de 18% pour les placements en euros et de 16% pour les placements en dollars.
LEGGERE  Actions en devises étrangères et risque de monnaie (3/4)

Cela étant dit l'investisseur helvétique, bien qu'ayant essuyé une perte dans sa devise de 15% environ (en fonction de l'allocation de ses actifs dans les diverses devises) se retrouve également à la tête d'un portefeuille en CHF qui vaut plus par rapport aux autres devises (dans une proportion équivalente à la perte qu'il y a essuyée). En bref, il est un peu plus pauvre en CHF, mais toujours autant riche par rapport aux autres devises. Mieux : il peut utiliser ses réserves de cash en CHF ainsi que ses revenus actuels et futurs pour acheter à bon prix des titres étrangers.

Au final, on ne fait que revenir à une ancienne normalité, celle qui prévalait jusqu'en août 2011. Ce sont plutôt les 4 années qui ont suivi qui n'étaient pas normales. On retrouve donc les lois du marché et les principes de base qui prévalaient à l'époque reprennent leurs justes droits. Les investisseurs qui ont continué à les suivre malgré la fixation du prix plancher par la BNS s'en sortent aujourd'hui à coup sûr bien mieux que les autres.

Pour plus de détails se rapporter aux "vieux" articles suivants qui reprennent tout leur sens aujourd'hui :

http://www.dividendes.ch/2011/12/actions-en-devises-etrangeres-et-risque-de-monnaie-12/
http://www.dividendes.ch/2011/12/actions-en-devises-etrangeres-et-risque-de-monnaie-24/
http://www.dividendes.ch/2012/01/actions-en-devises-etrangeres-et-risque-de-monnaie-34/

Actions en devises étrangères et risque de monnaie (4/4)


http://www.dividendes.ch/2013/07/se-proteger-contre-le-risque-de-change-en-investissant-de-maniere-globale/


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18 commento su “Abolition du cours plancher par la BNS, qu’est-ce que ça change ?”

  1. Et oui, ce qui prouve bien que les tentatives d’aller contre la logique d’un marché finissent toujours par échouer.. Ce qui m’inquiète plus, c’est les QE massifs aussi bien aux US qu’au Japon et bientôt en Europe… Ce sont bien là des tentatives d’aller contre la logique… Et le retour de bâton se fera tôt ou tard…

    1. C’est toujours pareil… on a déjà vécu ça après l’éclatement de la bulle dotcom… on s’est retrouvé quelques années plus tard avec les subprimes, puis juste un peu plus tard avec les problèmes budgétaires des Etats dépensiers.
      Les QE ne font que reporter l’échéance. Tout ou tard il faut payer. Et mieux vaut que ce ne soit pas trop tard, car l’addition devient de plus en plus lourde.

  2. Bonjour Jérôme ,
    Abolition du cours plancher par la BNS, qu’est-ce que ça change ?
    Non-résident en Suisse , je fais la même analyse que vous- J ajouterais
    Extrait du Temps de ce jour : E. Widmer Schlumpf
    « La Suisse et ses entreprises peuvent s’arranger avec un euro à 1,10 franc », explique-t-elle au Sonntagsblick, confiante dans le fait que le change se stabilisera à ce niveau. >
    Probable , même si celà aura un coût pour la Suisse
    Toutefois , j imagine que la décision abrupte prise par E.WF a été influencée parce qu il n est pas prévisible à ce jour, de connaître la décision que prendra la Commission des Finances Européennes en matière monétaire à propos de l euro -le 22 Janvier 2015 -Au cours de 1.20 on pouvait prévoir un afflux incontrôlable d Euro à changer en CHF

    1. Il faut préciser que ce n’est pas Widmer Schlumpf qui a pris la décision, mais la BNS, de manière indépendante.
      Les entreprises peuvent peut être s’arranger avec 1.10, mais on peut juste regretter que ça soit aussi abrupt. Et puis surtout rien ne dit que 1.10 sera le nouveau « standard »… En tout cas à long terme rien ne plaide pour un ajustement à ce niveau.

  3. Jérôme,
    Nous sommes souvent d’accord quant à la manière d’aborder l’investissement, mais sur cet article-ci, je suis en désaccord complet avec toi, je m’explique…
    . l’€ a été construit pour et par le Allemands, il a été longtemps une monnaie forte. Ce qui a changé, c’est que le risque de sortie de pays faibles de la zone € est réel et créerait un précédent qui fait peur à Berlin. Donc, Merkel revoit sa position car l’Allemagne sait combien l’Europe lui profite.
    . on peut jouer à l’autruche et dire que rien n’a changé. Mais la réalité est que nous avons perdu 16% de nos actifs en quelques instants… Celui qui veut profiter de la force du Franc ne pouvant le faire qu’en sortant de Suisse car ne nous leurrons pas, les prix ne baisseront pas ou si peu dans la confédération. Normalement, les changes doivent avoir un effet quasi neutre, mais en Suisse, les prix montent lorsque le Franc baisse et ne bougent pas lorsque le Franc monte. Cela s’explique par divers facteurs: duopole Migros-Coop, multinationales profiteuse, marché encore assez fermé…
    . en affirmant que l’on peut utiliser son cash pour acheter des actifs étrangers, tu fais une lourde erreur d’analyse car ces actifs sont toujours valorisés de la même manière, cela revient donc à spéculer sur le seul change. Une action européenne par exemple n’est pas devenue moins chère en terme de P/E.
    . il faut aussi parler des entreprises d’exportation et de l’industrie du tourisme. Ces secteurs vont être affecté de manière très forte.
    . la communication de la BNS a été incroyablement mauvaise de 2011 à aujourd’hui dans cette affaire. Trop long à expliquer, mais ce point fait une quasi unanimité à tel point qu’elle peut danser sur la tête à présent sans émouvoir les marchés.
    . je terminerai en disant que de manière générale, le Suisse est trop confiant en son pays, sa croyance qu’il pourra continuer de profiter de sa bonne étoile longtemps encore est dangereuse. Laisser monter sa devise comme actuellement est peut-être la goutte (ou le seau ?) qui fera déborder la coupe… Le monde a changé, change et l’îlot suisse qui résiste à tous est intenable de mon point de vue.

    Par ailleurs, il faudrait aussi avoir une pensée pour ceux qui souffrent d’un Franc qui a pris 60% en quelques années face à l’€: des emprunteurs étrangers, des travailleurs, des PME…

    1. Salut Thierry. Je ne comprends pas en quoi ton opinion est différente de la mienne ? Je suis parfaitement en ligne avec ce que tu viens d’écrire. Nous avons « perdu » 16%, que nous avions gagné artificiellement en septembre 2011. Pour moi rien n’a changé, le marché a fini par reprendre son bon droit. La différence c’est qu’aujourd’hui en tant qu’investisseur helvétique on peut utiliser la force relative du franc pour acheter à meilleur prix des actions étrangères. Bien entendu celles-ci ne sont pas devenues moins chères en termes de P/E, on est bien d’accords sur ce point. Il ne s’agit pas de spéculer sur la monnaie, mais au contraire de toujours prendre le risque de change comme un des points à prendre en compte lors de l’achat d’un titre.

      1. Ciao Girolamo,
        Pour les titres étrangers, nous sommes d’accord pour dire que le risque de change est moindre aujourd’hui qu’avant le 15.
        Je ne suis par contre pas d’accord pour dire que nous avions un gain artificiel, je dis que nous avons aujourd’hui une perte artificielle. En effet, le Franc est aujourd’hui fortement surévalué. Le taux plancher limitait cette surévaluation à un niveau acceptable et la BNS manipulait le change pour contrer une manipulation inverse. Cela n’était pas critiquable dans un monde où tous les pays manipulent leur monnaie impunément: la Chine et son Yuan très largement sous-évalué, les USA et leur planche à billet qui tourne en continu, le Japon et ses taux négatifs (jadis), l’Europe maintenant… La BNS met la Suisse dans une position très dangereuse en l’exposant ainsi aux spéculations sur sa monnaie et elle a aussi jeté un discrédit notoire sur les banques centrales pour lesquelles la confiance est primordiale et sur l’€, la devise principale des clients de la Suisse. On peut dire que la BNS a perdu une bataille dans le guerre des monnaies. Maintenant, j’ose espérer qu’elle n’a pas perdu la guerre et qu’elle va continuer d’intervenir sur les marchés en achetant des devises…
        Il convient aussi de prendre en compte les dégâts sur l’économie suisse: perte d’emploi, baisse possible des salaires (probable si le Franc dépasse la parité avec l’€), faillites, délocalisations…
        Mais le plus grave reste pour moi que la Suisse vient de ternir son image et que de nombreuses sociétés étrangères vont maintenant réfléchir deux fois plutôt qu’un à venir s’installer ici.

      2. Oui tu as raison, c’est aussi une perte artificielle aujourd’hui bien sûr, toujours due à un aspect spéculatif. A long terme néanmoins il ne faut pas s’attendre à ce que le CHF s’affaiblisse beaucoup par rapport à aujourd’hui. On peut même s’attendre au contraire. Donc autant en être conscient et investir dans des titres qui fournissent une certaine protection contre le risque de change (sociétés suisses peu exposées à l’étranger, marché domestique, et/ou sociétés étrangères qui bénéficient de la faiblesse de leur propre monnaie, orientées vers l’export).
        Oui la BNS a perdu une guerre. Une qui ne fallait pas perdre. Et les vieux démons de l’économie suisse très orientée vers l’exportation reviennent au galop. Par chance j’ai changé de secteur professionnel il y a quelques temps et je ne subis plus la pression qu’il y avait avant 2011 pour les exportations. Il est clair que les temps à venir seront durs pour ces secteurs.

  4. Jérôme,

    Etant investisseur en actions 100% Suisse, je viens de subir une gross chute! Mais en même temps cela me laisse une excellente porte d’investissement à bas prix et ainsi augmenter nos dividendes. Ma seule crainte en ce moment est de combien va être les dividendes en 2016 pour l’année 2015 considérant que nos entreprises auront des difficultés pour exporter et générer des bénéfices.

    Jérôme, je suis votre blog depuis quelque temps et j’apprécie vos analyses et idées.

    Meilleures salutations,

    retiredat50

    1. Merci retiredat50 !
      content de voir un nouvel arrivant blogger sur la scène suisse 😉
      Il est clair que les entreprises helvétiques tournées exclusivement vers l’exportation auront de la peine.
      Je pense surtout à l’industrie des machines.

    2. Monsieur,
      Si vous investissez à long terme et que vous n’avez guère besoin des revenus de votre investissement avant de longues années, il n’y a aucun problème pour vous. Continuez d’investir selon une stratégie déterminée. Toute crise ayant une issue. Dans le cas présent, il s’agit de la pérennité de l’€, soit les problèmes sont résolus et les devises reprendront leurs valeurs, soit il disparaît et on en revient aux monnaies nationales avec par exemple un Mark fort et une Lire faible.
      Je vous souhaite juste de travailler dans un secteur peu ou pas exposé aux exportations ou au tourisme.
      Cordiali saluti,
      Thierry.

  5. Buongiorno,
    Taux de change 1.20 CHF/Euro
    Selon ce que l on peut lire un peu partout , ce taux a été fixé par la BNS pour se protéger d un afflux d euro mais
    Il semble admis également que ce taux ne reflète pas la réalité économique et que le CHF devrait revenir à un taux voisin de 1.10
    Dans ce cas , pour un investisseur Suisse , est-ce que le moment ne serait pas approprié pour changer des CHF en EURO ?

    1. Tout cela reste bien théorique. Peut-être effectivement qu’actuellement le CHF est trop cher et qu’il reviendra à 1.10.
      C’est vrai qu’on peut profiter de cette situation pour effectuer des achats ciblés de titres étrangers. Par contre je ne garderais pas à long terme du cash étranger (USD et EUR). Ces monnaies ont trop tendance à fléchir.

      1. Il peut être plus judicieux de miser sur la volatilité des changes, bref d’adopter une stratégie non directionnelle. Mais je ne suis pas spécialiste des options, je ne puis donc suggérer d’exemples.

  6. Buongiorno,

    avec un portefeuille conséquent investit en CHF, EUR, USD et GBP, j’ai subit, comme beaucoup de Suisses, le « double whammy » ou « double effet Kiss Cool » – si vous préférez – où mes titres en CHF (ma monnaie de référence) ont chutés et où mes titres en monnaie étrangère on eu un effet de consolidation/translation négatif.

    Je ne m’attarde pas trop sur le passé et sur la question de savoir si la BNS a une bonne comm’ ou pas mais je réfléchis a comment fixer le problème ou profiter de la situation. Pour moi, il n’y a aucun doute qu’il faut tirer profit d’une telle situation et d’une possible réaction exagérée des marchés. Une telle situation ne s’était pas présentée à nous depuis mars 2009.

    Voici la démarche que j’ai entreprise des l’ouverture des marche lundi 19 janvier (il faut bien sûr avoir une certaine force de frappe, cad du cash de côté):

    1) Achat de titres européens (GBP, EUR) qui étaient soit sur ma watchlist ou soit qui étaient déjà en portefeuille mais en négatif (en valeur locale). Les frais d’achats sont maintenant plus abordables.

    2) Arbitrage des entreprises immobilières suisses cotées (Allreal, Mobimo, etc) pour dégager du cash et me renforcer sur des perles suisses que j’ai en portefeuille a long terme et qui ont souffert du fait de leur part export importantes (Inficon, Bucher, Comet, Bossard, etc.). Des exportations en berne avec un chômage qui monte peut faire pression sur les prix de l’immobilier. Enfin, c’est pas aussi simple que ca et pas immédiat mais c’est une question de perception et d’attentes des investisseurs qui peuvent liquider ce genre d’actif.

    3) Non-conversion des dividendes perçus en monnaie étrangère en CHF tant que le CHF stagne a un niveau historiquement haut (mais réinvestissement dans la monnaie en question). Cela peut durer un certain temps!

    4) Retour sur les titres immobiliers lorsque les investisseurs les délaisserons pour des titres plus cycliques.

    5) Continuer a engranger mes dividendes et ne rien faire d’autre. « I don’t work for money but money works for me » 🙂

    Voila. L’avenir est bien sur incertain mais il est sûr que je ne vais pas laisser passer une belle occasion…

    Birdie

    1. Salut Birdie. Content de te relire. Je reconnais bien là ton côté contrarian opportuniste.
      Personnellement je n’ai pas encore appuyé sur la gâchette, je suis encore en mode observation, mais possible que je me laisse tenter par quelques opportunités US ou européennes.

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