EL Permanent Portfolio d'Harry Browne est à la bourse ce que le pneu quatre saisons est à la voiture. Il permet théoriquement de dégager des gains dans n’importe quelle situation, visant ainsi une rentabilité presque toujours positive et une faible volatilité. L'idée de son créateur est qu’à chaque type de cycle économique, il existe un type d’actif qui arrive à tirer son épingle du jeu.
Selon Browne, la performance des classes d’actifs varie en fonction du cycle économique et de la tendance des prix à la consommation. Les actions adorent la croissance, le cash aime la récession, l’or apprécie l’inflation et les obligations se délectent de la déflation.
Inflation | Déflation | |
Croissance | Actions & Or | Actions & Obligations |
Récession | Or & Cash | Obligations & Cash |
Comme il est difficile d’anticiper ces périodes, Harry Browne préconise de placer 1/4 de son patrimoine dans chacun de ces actifs et de rééquilibrer une fois par an.
Le Permanent Portfolio tient-il ses promesses?
Pour en avoir le cœur net, j'ai comparé dans mon libro les résultats du PP à une approche qui consiste simplement à placer la totalité de ses avoirs sur l'immobilier. Sur le très long terme, l'immobilier affiche en effet une performance proche de celle des actions (7% hors inflation), avec une volatilité proche de celle des bons du trésor à longue maturité.
Mes backtests ont indiqué que le PP n'amenait aucune plus-value par rapport à l'approche 100% immobilière. De plus, il faut souligner que le PP rencontre des difficultés assez sérieuses depuis une décennie. Malgré sa réputation de pneu "toutes saisons", il a traversé quatre années négatives depuis 2013, ce qui est pire que l'immobilier et même qu'un portefeuille constitué uniquement d'actions.
Pourquoi donc s'empêtrer avec le portefeuille permanent alors, qu'un seul ETF immobilier (comme VNQ) suffit ? Sur le long terme assurément, cette dernière stratégie fonctionne mieux. Toutefois, depuis la crise des subprimes, en tout cas aux USA, ce placement a, lui aussi, perdu de sa superbe, puisque sa rentabilité a baissé alors même que sa volatilité augmentait. Nous verrons plus loin en détail ce que cela donne en termes de chiffres.
Des alternatives au portefeuille de H. Browne?
En conséquence, j'ai cherché à constituer un nouveau portefeuille de type permanent, avec comme objectif d'obtenir une performance aussi bonne que le marché boursier, avec une volatilité nettement plus acceptable, comme celles des bons du trésor. Le tout avec un nombre d'ETFs aussi petit que possible.
Dans le portefeuille original de Browne, un actif pose particulièrement problème : le cash. Par temps d'inflation galopante, c'est une hérésie de conserver un quart de ses actifs en argent liquide.
Marc Faber ("Dr Doom"), analyste en investissements suisse, a ainsi proposé de remplacer la part de cash par de l'immobilier, ce qui permet de légèrement augmenter la rentabilité, sans péjorer la volatilité. Toutefois, comme nous l'avons vu, l'immobilier est également à la traîne depuis passablement de temps.
Par quoi remplacer le cash?
J'ai réussi à contourner ce problème en augmentant la part en actions et en la remplaçant par des ETFs sectoriels, plutôt que de viser l'intégralité du marché. Pour ce faire, les secteurs visés devaient à la fois être rentables sur le long terme, mais aussi être aussi peu volatils que possible et/ou peu corrélés aux autres actifs afin de faire diminuer la volatilité d'ensemble du portefeuille.
Me basant sur les recherches effectuées dans mon trabajar, ainsi que pour le determinando la cartera, j'ai ainsi jeté mon dévolu sur :
- les biens de consommation de base (ETF VDC)
- les soins de santé (ETF XLV)
Ce duo est complété par le Nasdaq 100 (ETF QQQ), essentiellement axé sur le secteur technologique, mais comprenant aussi les services aux consommateurs, la santé publique, les biens de consommation et un peu d'industrie.
Portefeuille permanent 2.0
À ces 3 ETFs, on ajoute l'or (GLD) et les bons du trésor (TLT), déjà présents dans le portefeuille de H. Browne. On répartit le tout de manière équivalente, soit 20% pour chaque position (rééquilibrage une fois par an) :
Je me suis amusé à modifier les pondérations respectives, pour chercher à optimiser le portefeuille. Toutefois, difficile de faire vraiment mieux que la simple allocation à part égales, sans péjorer la rentabilité au détriment de la volatilité (ou vice-versa). Le ratio de Sharpe, qui indique la rentabilité par rapport aux risques encourus, est ainsi presque maximal avec une allocation à part égales.
Avec le PP 2.0, on obtient une rentabilité très légèrement supérieure au marché, avec une volatilité à peine supérieure au portefeuille permanent original (nous verrons plus loin les statistiques plus en détail).
Le PP 2.0 est une version très simplifiée du determinando la cartera sans Comercio de señales automáticas.
Portefeuille permanent 2.1
Pour les investisseurs particulièrement réfractaires à la volatilité, il est possible de diminuer encore celle obtenue avec le PP 2.0, en préservant autant qu'il se peut la rentabilité. Pour ce faire, on ajoute un ETF supplémentaire, ou plutôt, on le soustrait en vendant à découvert l'ETF EFA. Ce dernier représente l'indice MSCI EAFE, soit les actions des pays développés hors Amérique du Nord.
On shorte ainsi l'ETF EFA, à raison de 50% de la valeur PF. Le produit de la vente demeure cash. Toutes les autres positions demeurent identiques au PP 2.0.
Ceci signifie que la quasi-totalité de la position en actions (60%) est couverte pas la position short. Nous allons voir ci-dessous en détail les implications au niveau de la performance et de la volatilité.
J'ai aussi testé la variante qui investit le produit de la vente à découvert non pas dans le cash, mais dans les autres ETFs. Ceci augmente légèrement la rentabilité, mais de manière excessive par rapport aux risques encourus (le ratio de Sharpe fond).
Le PP 2.1, représente une version très sommaire du portefeuille déterminant avec Comercio de señales automáticas.
Comparaison des portefeuilles permanents
Dans un backtest allant de janvier 2005 à avril 2023, j'ai comparé les trois portefeuilles permanents ci-dessus à l'immobilier et au marché des actions. Les résultats sont les suivants :
EL PP 2.0 est le plus performant. Il dépasse même le marché boursier (S&P 500), alors qu'il ne compte que 60% d'actions. Il possède également le meilleur ratio de Sharpe, grâce à une volatilité qui demeure sous contrôle par rapport à la rentabilité affichée.
EL PP 2.1 est le moins volatil. Son ratio de Sharpe est par ailleurs excellent, grâce à une rentabilité qui demeure très bonne par rapport à la volatilité affichée. Le plus remarquable avec ce portefeuille, c'est sa corrélation quasi nulle avec le marché, grâce à la couverture utilisée (vente à découvert de EFA). Il endosse donc parfaitement son rôle de portefeuille "toutes saisons", puisque durant les 18 années d'observation, une seule a été négative. Même dans le cas de cette dernière, la perte est demeurée raisonnable, avec -5.64%. En revanche, la rentabilité, bien que meilleure que celle du PP original ou de l'immobilier, est inférieure au marché. Avec à peine plus de 5% (hors inflation), celle-ci est insuffisante pour atteindre l'indépendance financière. J'explique pourquoi dans "Les déterminants de la richesse".
EL PP original est clairement le moins performant. Il ne compense même pas ceci par ce qu'on attend de lui : faire face à toutes les situations. Comme nous l'avons déjà souligné, en effet, le portefeuille de Browne a essuyé quatre années négatives depuis 2005.
Le cas de l’immobilier
Comme nous pouvons le constater, l'immobilier a été catastrophique durant la période du backtest. Attention toutefois, car ici, on parle de l'indice américain, via l'ETF VNQ, qui a particulièrement souffert entre 2007 et 2009 (avec une perte successive maximale de 68%). L'immobilier suisse par exemple, via l'ETF SRFCHA, affiche une performance hors inflation légèrement supérieure, autour des 5% cette période. Surtout, la volatilité, durant le même temps, s'est maintenue autour des 8%, ce qui est près de 3 fois moins que celle de l'indice américain, en ligne avec les autres portefeuilles permanents.
SRFCHA est donc une très bonne alternative, si on cherche à investir en achat-conservation sur un seul ETF, ce que je recommande pour les débutants et les investisseurs disposant d'un petit capital (inférieur à 25'000 balles). Pour être complets sur l'immobilier, notons encore que si l'on utilise une stratégie d'allocation tactique d'actifs (plutôt qu'achat conservation), comme dans le determinando la cartera, les résultats sont paradoxalement meilleurs avec VNQ qu'avec SRFCHA.
Objectif atteint?
Le PP 2.0 est intéressant car il remplit les objectifs fixés : une rentabilité au moins équivalente au marché avec une volatilité nettement plus acceptable (proche de celle des bons du trésor). La performance du PP 2.1 est légèrement moins bonne, mais ceci est compensé par un comportement particulièrement défensif et une absence de corrélation avec le marché.
Ce qui diminue la rentabilité du PP 2.1 par rapport au PP 2.0, c'est précisément ce qui lui donne ses vertus résilientes : sa couverture. En quelque sorte, la position short sur EFA se comporte comme une assurance : on paie lorsque tout va bien et on en profite lorsque tout va mal. Comme les indices ne font que monter sur le long terme, la ligne à découvert sur EFA est forcément toujours perdante au bout du compte. C'est la prime d'assurances.
Comparaison avec le portefeuille déterminant
Nous avons vu que ces deux portefeuilles représentent une version très sommaire du determinando la cartera. Voyons les différences principales.
- Les ETFs en actions (VDC, XLV, QQQ) des PP 2.0 et 2.1 sont remplacés par des titres en direct, à travers les stratégies QVM et Blue Chips. Ces dernières mélangent des actions d'entreprises de Qualité, Valeur et Momentum avec d'autres sociétés de très haut niveau qui bénéficient d'une position dominante sur le marché, avec un avantage concurrentiel. Ces titres se complètent en fonction de leurs caractéristiques en matière de rentabilité, volatilité et faible corrélation, afin d'optimiser la globalité du résultat du portefeuille.
- La couverture est utilisée uniquement lorsque c'est nécessaire, en ayant recours au Comercio de señales automáticas. Ceci permet de gagner sur les deux tableaux, non seulement lorsque le marché est baissier, mais également lorsqu'il monte. On évite ainsi de générer une ligne perdante sur le long terme, juste pour diminuer la volatilité du portefeuille.
- L'or et les obligations sont complétés avec d'autres actifs alternatifs, comme l'immobilier et les cryptomonnaies. L'allocation tactique d'actifs, via des indicateurs techniques et économiques, est utilisée pour y prendre position.
Selon mes backtests, ce faisant, on obtient pour le portefeuille déterminant (avec Trading Auto Signal) une
- performance annuelle hors inflation de 17%
- avec une volatilité de 12%
- soit un ratio de Sharpe de 1.4.
Il convient certes dans ce cas de supporter une volatilité un peu plus importante qu'avec les portefeuilles permanents (mais toujours moindre que celle du marché). De plus, le portefeuille déterminant comporte plus de positions et implique donc plus de transactions et de suivi. Mais pour finir, le résultat en vaut la chandelle, puisqu'il laisse loin derrière toutes les autres approches précitées en matière de performance.
Ok pour les backtests, mais qu’en est-il dans la vie réelle?
Depuis 10 ans et particulièrement sur ces trois dernières années, les résultats des PP 2.0 et 2.1 en termes de performance sont moins bons que le marché. Toutefois, relativement aux risques encours (ratio de Sharpe), ils demeurent toujours supérieurs au marché.
Le portefeuille déterminant, introduit en 2020, n'échappe pas à cette règle. Jusqu'à la fin de l'année dernière, il compte ainsi un retard de 5% sur le marché, soit 1.9% par année. Ceci est surtout dû à l'année 2021, marquée par un fort rebond des indices boursiers, en particulier des titres de croissance à forte capitalisation. Toutefois, la volatilité du portefeuille est près de deux fois plus basse. Ceci s'est concrétisé non seulement au début de la pandémie en 2020, mais encore plus durant l'année 2022, avec une perte de -17% sur le marché helvétique, contre -3.9% avec le portefeuille déterminant.
Ces résultats sont parfaitement en ligne avec ceux constatés pour le PP 2.0 et 2.1 : pour l'instant, la rentabilité demeure légèrement inférieure au marché, mais avec nettement moins de risques, soit un meilleur ratio de Sharpe.
Il faut préciser également que la performance du portefeuille déterminant est référencée par rapport au franc suisse. Ce dernier a pris, entre début 2020 et fin 2022, 5% par rapport au dollar, 10% par rapport à l'euro et 30% par rapport au yen, trois monnaies fortement présentes au sein du PF et qui tirent d'autant sa performance vers le bas. Ce phénomène de fluctuation des devises perd de son importance sur le long terme au profit de la valeur intrinsèque des actifs, mais à plus court terme il explique également les différences entre les performances réalisées et les backtests.
Une question de perspective
Cette relative contre-performance s'explique assez aisément. Nous vivons depuis plus de dix ans dans un gros bull market causé par un rattrapage dû à la décennie perdue 2000-2010, associé à une politique ultra accommodante des banques centrales. Le phénomène a été encore exacerbé par les interventions massives étatiques et des grands argentiers suite à la pandémie.
De fait, malgré quelques petits soubresauts durant cette période, il n'y a pas eu de gros marché baissier durable sur cette période, comme au début des années 2000 ou en 2008. Les pompiers sont chaque fois intervenus très rapidement et avec de gros moyens. L'incendie a toujours pu ainsi être contenu. Dans ces conditions, tout portefeuille ne comportant pas 100% d'actions (en particulier de grosses entreprises de croissance) n'avait aucune chance de battre le marché.
Les backtests effectués reposent sur des périodes d'observation très longues, comprenant des récessions, crises financières et gros marchés baissiers. Ci-dessus, je suis remonté jusqu'en 2005. Ceux sur lesquels je me suis appuyé dans les "Déterminants de la Richesse" vont beaucoup plus loin encore : la majorité s'appuie sur des chiffres allant jusqu'en 1970 et certains même jusqu'en 1930.
Sur une période d'observation relativement courte, les résultats réels peuvent donc différer. Pour juger de plus potentiel de ces stratégies, comme avec le portefeuille permanent original de Browne, il faut expérimenter toutes les combinaisons possibles de cycles économiques (croissance/récession), de prix à la consommation (inflation/déflation) et de marché boursier (haussier/baissier).
De fait, nous n'avons plus connu de récession durable depuis 2009, ce qui est une anomalie historique (je ne compte pas la crise COVID qui non seulement a été trop courte, mais qui surtout, a posteriori, a joué un rôle procyclique plutôt qu'anticyclique).
Une boule de cristal?
Nul ne peut prédire l'avenir. Une récession peut arriver d'ici quelques mois. Mais cela peut prendre plus de temps. Les marchés boursiers peuvent aussi chuter sans récession.
Le mérite des portefeuilles permanents, c'est qu'ils ne cherchent pas à deviner le futur, juste à être prêts, quoi qu'il se passe. Le défi, c'est de se tenir prêt, tout en continuant à profiter de la fête. C'est exactement ce que vous proposent les PP 2.0 et 2.1, ainsi que le portefeuille déterminant.
Descubre más desde dividendes
Suscríbete y recibe las últimas entradas en tu correo electrónico.
Merci beaucoup Jérôme pour cette analyse. La performance tient elle compte des dividendes (reinvesties) ou pas?
Salut, oui, bien sûr, je compte toujours les dividendes dans la performance (total return).
Bonjour Jérôme!
J’ai maintenant constitué mon fond de secours et m’apprête à démarrer l’ETF immobilier suivant les conseils du livre.
Je suis également abonné au portefeuille déterminant.
En 2024, conseilles tu toujours SRFCHA pour atteindre les 25000 balles rapidement ou conseilles-tu le VNQ comme dans l’article?
J’ai déjà IPRP qui fonctionne plutôt bien.
Que ferais-tu avec l’expérience?
Merci pour ta réponse
Julien
Salut,
bravo pour ton fonds de secours. Oui je conseille toujours de commencer par l’immobilier, p.ex. SRFCHA. Cela permet de faire ses armes et de s’habituer gentiment aux fluctuations des marchés, sans excès toutefois. Cela évite aussi d’y laisser trop de frais de transactions. Si tu lis bien l’article jusqu’à la fin, en buy & hold, donc pour débuter avec l’immobilier, c’est mieux d’y aller sur un fonds comme SRFCHA qui est moins volatil que VNQ. IPRP fonctionne bien en ce moment effectivement, mais attention tout de même à sa volatilité.