L'action Ingles Markets est cotée sur le Nasdaq en tant que "IMKTA". Ingles Markets, dénommée tout simplement "ingles" est une compagnie américaine active dans le commerce de détail. Elle a été fondée il y a près de 60 ans en Caroline du Nord et est présente actuellement sur près de 200 sites à travers six États du sud-est des USA. Comme l'exercice financier d'ingles se termine à fin septembre, nous avons déjà des chiffres pour cette année 2020 si particulière.
Explosion du bénéfice
Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Le virus chinois - cela ne choque personne quand on dit le variant anglais, sud-africain, brésilien ou japonais, alors permettez-moi de continuer à le dénommer de la sorte - a provoqué une hausse des ventes au détail à cause de la fermeture des écoles et des restaurants US. Ingles en a clairement profité, avec une hausse du chiffre d'affaires de près de 10% durant l'exercice écoulé, provoquant plus d'un doublement du bénéfice net.
Électrocardiogramme plat pour l’action Ingles Markets
La plupart des entreprises ont vu en 2020 leurs fondamentaux s'écrouler et pourtant, en même temps, leurs capitalisations boursières prenaient l'ascenseur, boostées par l'aide massive des banques centrales et des gouvernements. Ingles a paradoxalement fait exactement le contraire. Tandis que ses résultats explosaient à la hausse, son cours boursier demeurait lamentablement plat ou presque, oscillant entre 35 et 40 dollars durant toute l'année.
Valuación
Ce comportement anticyclique a eu pour effet de rendre le titre particulièrement attractif, alors qu'il était déjà bon marché avant la pandémie. Son cours se monte en effet à :
- 4.8 fois les bénéfices récurrents courants
- 10 fois les bénéfices les bénéfices récurrents moyens
- 1 fois la valeur comptable et les actifs tangibles
- 0.2 fois les ventes
- 3.8 fois le free cash flow courant
- 12.7 fois le free cash flow moyen
L'EBIT (et l'EBITDA) se monte à près de 19% de la valeur d'entreprise, ce qui confirme l'attractivité assez marquée du titre. De même la valeur d'entreprise représente seulement 6.4 fois le FCF courant. Encore une fois, ingles parait vraiment bon marché. Toutefois, si on la compare au FCF moyen, elle grimpe à 22 fois cette valeur. Rappelons que la valeur d'entreprise rend compte de la structure du capital de l'entreprise. Le fait que la valorisation soit moins intéressante en utilisant la VE nous suggère que l'entreprise comporte une dette nette assez importante, ce que nous allons examiner plus loin. De plus, l'utilisation du FCF moyen sur cinq ans pondère l'effet du résultat exceptionnel de 2020, ce qui donne une vision plus réaliste de ce qu'est capable de réaliser ingles dans de circonstances "normales".
Dividende de l’action Ingles Markets
Le distributeur de Caroline du Nord est particulièrement prudent, pour ne pas dire pingre en matière de dividende. Le rendement se monte ainsi à un très modeste 1.5%, en stagnation depuis plusieurs années. Pour illustrer à quel point le conseil d'administration se monte près de ses sous, comparons ce qui est distribué aux actionnaires par rapport à l'argent gagné par l'entreprise. Le dividende se monte en effet à :
- 7.4% des bénéfices courants
- 5.8% du FCF courant
- 15.4% des bénéfices moyens
- 19.6% du FCF moyen
Il y a donc une marge substantielle de progression des distributions dans le futur, même en cas d'un retour à la normale du chiffre d'affaires, et même en cas d'une baisse plus importante ! Reste à savoir si les grippe-sous voudront un jour desserrer les cordons de leur bourse. Rien n'est moins sûr.
Trend des fondamentaux
Tandis que le dividende et le cours demeurent d'une platitude absolue, les bénéfices, la valeur des actifs et les réserves de cash progressent sur le long terme, ce qui prouve la solidité du modèle d'affaires du détaillant américain. Si on remonte plus loin dans le passé, on constate quand même qu'ingles a su transformer ces bons résultats en valeur pour l'actionnariat, battant légèrement l'indice phare américain sur ces vingt dernières années.
Liquidité
Paradoxalement, malgré un dernier exercice excellent, les liquidités d'Ingles Markets sont en forte baisse. Alors que le current ratio se montait encore à 2 en 2019, il a chuté à 1.45 en 2020. Certes, c'est encore correct, mais si l'on fait fi des stocks, qui représentent plus du 3/4 des actifs courants, il ne reste plus grand-chose. Le quick ratio se monte ainsi à un tout petit 0.32, ce qui a de quoi soulever quelques inquiétudes. Heureusement, le Corona est encore là pour quelque temps et l'argent facile devrait continuer à alimenter les coffres du distributeur américain pendant encore quelques mois, lui permettant d'assurer ses obligations financières courantes.
Profitabilité & rentabilité
Au contraire de la liquidité, la profitabilité s'améliore, avec une marge brute qui monte à 26%, pour une marge de free cash flow légèrement inférieure à 5% et une marge nette de 3.9%. Rien d'extraordinaire certes, mais rappelons qu'on est dans le secteur du commerce de détail, qui ne brille généralement pas pour sa profitabilité. En revanche, c'est tout autre chose pour la rentabilité, qui est non seulement en forte hausse, mais surtout à un haut niveau, avec un ROA de près de 10%, un CFROA de 18,4% et un ROE de près de 22% ! Bien que ça s'explique par le résultat record de 2020, c'est quand même assez exceptionnel pour une chaîne de magasins.
Endettement
Si le ROE monte aussi haut, ce n'est évidemment pas seulement à causes des très bons résultats, mais aussi parce que le dénominateur (les fonds propres) est relativement petit. Nous avions déjà évoqué cet aspect de la structure du capital d'ingles lorsque nous avons abordé la valeur d'entreprise. Il s'avère effectivement que le détaillant de la Caroline du Nord affiche un taux d'endettement à long terme par rapport aux actifs assez marqué, à 30.9%. Relevons toutefois que ce taux a nettement fondu par rapport à l'exercice précédent, puisqu'il était alors à 45% ! Même si la dette ne représente "que" 0.74 fois les fonds propres, Ingles Markets aurait malgré tout besoin de neuf années "normales" pour la rembourser avec son free cash flow, ce qui est long. Trop long.
Rendement pour l’actionnaire
Le point positif, c'est que l'entreprise est en train de régulariser son endettement depuis maintenant trois ans. On a vu l'énorme effort qu'il y a eu par rapport à l'exercice précédent. Sur ces cinq dernières années, le remboursement de la dette nette a ainsi représenté un rendement annuel moyen pour l'actionnaire de 11.7% ! Voilà qui explique pourquoi le conseil d'administration est resté particulièrement pingre sur le dividende, les liquidités ayant été utilisées différemment. Autre point positif : Ingles Markets n'a pas eu à augmenter son capital pour le faire. Le nombre d'actions en circulation est demeuré ainsi stable sur ces cinq dernières années.
Au total le rendement annuel moyen pour l'actionnaire sur ces cinq dernières années, entre le dividende et le remboursement de la dette, se monte à un très appréciable 13.3%.
Risques avec l’action Ingles Markets
Le distributeur américain, commercialisant essentiellement des biens de consommation courante, est passablement à l'abri des crises conjoncturelles. 2020 l'a prouvé en ayant même un effet booster sur le chiffre d'affaires de l'entreprise. La volatilité journalière du titre sur ces douze derniers mois s'est limitée ainsi à 37%, ce qui est certes assez élevé dans des circonstances normales, mais nettement moins que la plupart des actions durant la même période. De même, le bêta, avec seulement 0.6, nous montre que ingles est de nature particulièrement défensive.
Si le quick ratio de 0.32 peut susciter quelques craintes vis-à-vis des liquidités, on peut se rassurer avec un Z-Score (Altman) de 4 (zone verte) et un F-Score (Piotroski) de 8 sur 9. Ingles Markets n'est pas prête de faire faillite, elle est solide financièrement, ces fondamentaux sont en cours d'amélioration et le cours est susceptible de bien former dans l'avenir.
Conclusión
Je dois dire que ce l'action Ingles Markets me laisse songeur. Il est très rare de trouver actuellement des titres de qualité à prix abordable sur le marché américain. Par certains aspects il semble fortement sous-valorisé, mais si l'on prend en compte la valeur d'entreprise (tenant compte de la dette) et les résultats moyens (afin de ne pas être induits en erreur par un exercice 2020 exceptionnellement bon), Ingles Markets est attractive certes, mais pas non plus une opportunité extraordinaire. Un gain de 40% me semble un objectif assez réaliste. C'est bien, mais ça ne donne pas non plus une marge de sécurité énorme.
Ce qui me dérange le plus en fin de compte ne se situe paradoxalement pas au niveau de l'entreprise elle-même (à part la dette), mais plutôt de ce qu'en fait le marché. Malgré des résultats exceptionnels, le cours n'a pas décollé. Le momentum est mauvais. On peut dès lors s'interroger sur ce qui va se passer lorsque la vie des Américains retrouvera la normalité, notamment grâce au vaccin. Le chiffre d'affaires redeviendra lui aussi normal, entraînant une baisse du bénéfice. Quelle sera alors la réaction du marché et des très nombreux institutionnels qui sont présents dans le capital de ingles, comme Vanguard, Dimensional Fund, BlackRock, SSgA, Goldman Sachs... ?
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Merci Jérôme.
Étonnant et intéressant dans ce monde de surévaluation tout azimut. Voici une action qui est restée stable en 2020..et a des valorisations très intéressantes.
Il semblerait de plus que cette entreprise détient la plus part de ces magasins (162 sur 198 d’après un article sur seeking alpha )
A suivre
Dans un registre similaire mais de taille légèrement différente… j’essaye de comprendre pourquoi Carrefour est intéressant pour Couche tard. Est ce qu’ils veulent faire des supermarchés les nouvelles stations « essence » (électriques.. ) ??
Tiens je n’avais pas suivi cet épisode… Ah oui c’est possible ça leur ferait un réseau monstrueux.
Excellent article de blog. J’aime vraiment ça. Merci pour le partage.