L'action LafargeHolcim figure sous la cote "LHN" à la bourse de Paris et de Zurich. LafargeHolcim Ltd est le leader mondial des matériaux et des solutions de construction. Le Groupe est issu de la fusion de Lafarge (FR) et Holcim (CH) en 2015. Au niveau du nom, ils ne se sont pas trop cassés la tête. En même temps, si les administrateurs de sociétés étaient de grands originaux, ça se saurait. Il n'est pas sûr par ailleurs que les actionnaires apprécieraient que les entreprises soient pilotées par des clowns. D'un certain point de vue les anciens dirigeants du groupe français Lafarge, se sont comportés comme tels dans un passé récent. Nous détaillerons ceci plus loin.
Le siège social du trust franco-suisse se trouve dans le canton de St-Gall en Suisse. L'histoire des deux entreprises remonte à très loin puisque Lafarge a été fondée en 1822 et Holcim en 1912. L'entreprise produit du ciment, du béton et du granulat. Elle se targue d'être à la pointe de l'innovation dans les matériaux de construction. Elle est présente dans 80 pays et compte la bagatelle de 72'000 employés. La population mondiale croît rapidement, surtout dans les villes. Le besoin en infrastructures est particulièrement important. LHN peut donc s'appuyer sur la dynamique d'un secteur d'activité particulièrement porteur.
Le scandale
Le journal "Le Monde" révèle le 21 juin 2016 que Lafarge (avant sa fusion avec Holcim), est suspecté d'avoir financé l'Etat islamique pendant plus d'un an. Le nouveau groupe le reconnaît neuf mois plus tard. Eric Olsen, directeur général de LafargeHolcim (ancien directeur adjoint de Lafarge), présente alors sa démission. En décembre 2017, il est mis en examen des chefs de financement d’une entreprise terroriste et mise en danger de la vie d’autrui et placé sous contrôle judiciaire (avec un cautionnement). L’ancien PDG de Lafarge Bruno Lafont et son ex-directeur général adjoint opérations Christian Herrault l'accompagnent dans cette funeste aventure.
En 2018, l'entreprise provisionne 35 millions de francs suisses. Elle précise que «rien n'indique que l’enquête judiciaire est susceptible d’avoir d’autres impacts financiers négatifs». Il faut relativiser cette provision en précisant qu'elle ne représente que 2.3% du bénéfice net de cette année là. En novembre 2019, la Cour d'appel de Paris confirme les accusations pénales préliminaires. Elle déclare que Lafarge a violé les embargos internationaux en cherchant à maintenir ses activités en Syrie malgré la guerre civile. Le tribunal rejette néanmoins l'accusation plus grave de crimes contre l'humanité. Aujourd'hui, Le dossier judiciaire suit encore son cours et l'affaire pourrait prendre encore plusieurs mois ou années avant de pouvoir être jugée.
Valorisation de l’action LafargeHolcim
Au premier coup d’œil la valorisation de l'action LafargeHolcim sur les sites financiers semble attractive. Le cours est à peine supérieur à 12 fois les bénéfices par action et le rendement en dividende est carrément de 4.4%. Avec la folie spéculative qu'on trouve actuellement sur le marché, pour une entreprise de ce calibre, ça donne l'impression que le titre est franchement bradé. Même si la société devait aligner quelques dizaines millions dans le futur pour payer ses erreurs en Syrie, ça ne changerait pas grand chose.
Le diable se cache dans les détails et LHN n'échappe pas à cette règle. Les bénéfices sont par nature inconstants. Ceci est particulièrement marqué chez LafargeHolcim, qui alterne allègrement entre les bons résultats et les pertes. Il est donc délicat de la valoriser en tenant compte uniquement des bénéfices (et donc du dividende) du dernier exercice. Si on pousse l'analyse un peu plus loin on remarque que le cours de LHN se monte à :
- 12.25 fois les bénéfices récurrents courants, mais 60.18 fois les bénéfices récurrents moyens (des cinq dernières années) !
- 8.36 fois le free cash flow courant et 16.36 fois le free cash flow moyen
- 0.96 fois la valeur comptable et 1.85 fois les actifs tangibles
- 1.03 fois les ventes
Dans l'ensemble c'est pas mal, voire même intéressant si on regarde par rapport aux ventes, à la valeur comptable et bien sûr aux résultats actuels (dernier exercice fiscal). Le free cash flow peut aussi nous perturber. Il semble indiquer que le titre est très bon marché en fonction des derniers résultats. Même si on prend compte des chiffres des cinq dernières années sa valorisation demeure correcte. Mais si on regarde un peu plus en détail, on se rend compte que ces chiffres alléchants sont trompeurs.
Les pièges
Par rapport à la valeur comptable, le prix est intéressant, mais près de la moitié de cette valeur provient de biens immatériels, par nature difficiles à estimer. Par ailleurs, si le ratio par rapport aux ventes est si bas, c'est que LafargeHolcim a une peine monstrueuse à transformer son chiffre d'affaires en bénéfice net. Sur ces cinq dernières années, la marge nette moyenne n'est en effet que de 1.7% ! Quant au free cash flow, si on s'amuse à le comparer par rapport à la valeur d'entreprise plutôt qu'à sa capitalisation, la valorisation devient nettement moins attractive :
- EV/FCF courant : 13.37
- EV/FCF moyen : 26.61 !
La valeur d'entreprise tient compte de l'endettement et des réserves de cash. Elle nous renseigne sur la manière dont est structuré son capital. On devine déjà ici que la dette nette est assez importante. Ceci n'arrange évidemment pas les problèmes de profitabilité de LHN, même si l'influence de la dette sur la marge nette demeure faible au vu des niveaux actuels des taux d'intérêt.
Dividende de l’action LafargeHolcim
Reste le dividende alléchant de 4.4%. Il ne bouge pas depuis 2016 et pour une bonne raison, que vous avez sans doute déjà devinée. Le ratio de distribution est faible si on le compare par rapport au bénéfice et au free cash flow courant (54.67%, respectivement 36.69%). Il est par contre catastrophique si on regarde les chiffres des cinq dernières (273%, respectivement 73%). Les variations importantes des résultats ne sont évidemment pas étrangères à ce phénomène. Les perspectives futures du dividende ne sont donc guère réjouissantes. On va plutôt vers un maintien, voire une réduction, mais assurément pas une croissance soutenue.
Bewertung & Ergebnis
Il est difficile de déceler une tendance dans les résultats de LHN sur ces cinq dernières années. Le bénéfice et le cash flow jouent au yo-yo. Les réserves de liquidités ont tendance donc à stagner, alors que la valeur des actifs fond lentement mais sûrement depuis cinq ans. LafargeHolcim a clairement de la peine à créer de la valeur pour ses actionnaires et ceci se ressent sur le cours qui ne parvient pas à décoller depuis sa création.
Les liquidités sont correctes, avec un current ratio de 1.34 (en hausse) et un quick ratio de 1.06. Pas de problème donc pour payer les factures, c'est déjà ça de pris. La marge brute est appréciable, avec 42.2% (en très légère baisse). Même en regardant les chiffres moyens de ces cinq dernières années on se situe encore à 37.4% ce qui est bon. La marge de free cash est également intéressante, avec 12.3%, tout comme la marge nette, avec 8.4%. Rappelons néanmoins que pour cette dernière, si on tient compte des données passées, la situation est nettement moins réjouissante, avec seulement 1.7%. Au niveau de la rentabilité, ce n'est pas top non plus, avec un ROA de 3.85% (en hausse), un CFROA de 8.27% et un ROE de 7.86%. Ce n'est pas catastrophique, mais on aurait pu s'attendre à plus pour un leader mondial.
Dette
La valeur d'entreprise nous suggérait déjà un endettement assez important. Ceci se confirme puisque la dette à long terme se monte à près de 21% de la valeur des actifs. Même si la dette totale ne représente que 0.6 fois les fonds propres, il faudrait plus de dix ans à LafargeHolcim pour l'amortir en ayant recours à son free cash flow. Relevons toutefois que l'entreprise semble avoir compris que son endettement pouvait poser problème. Celui-ci baisse de manière constante depuis 2015. Le rendement annuel moyen pour l'actionnaire pour l'amortissement de la dette nette représente ainsi plus de 8%, ce qui est particulièrement important.
Perspectives 2020 et virus chinois
Dans son rapport intermédiaire du premier trimestre de cette année, LHN affirme que le résultat est résilient malgré l'impact du COVID. L'entreprise annonce "un chiffre d'affaires de -3,3% et un EBIT récurrent de -2,6% par rapport à la période de l'année précédente, tous deux à périmètre constant". Ils sont toutefois restés beaucoup plus discrets sur le fait qu'en réalité les ventes et l'EBIT ont fondu de 11.2%, respectivement 14.1% (en n'utilisant pas l'artifice comptable du périmètre constant - "Like-for-Like"). Ils s'attendent à un plus grand impact encore pour le 2e trimestre. On se réjouit de lire tout ceci prochainement.
Retour pour l’actionnaire de l’action LafargeHolcim
Le retour pour l'actionnaire de LHN est assurément très alléchant, avec un rendement en dividende de 4.4% et un rendement pour amortissement de dette nette de plus de 8%. Toutefois, l'entreprise ne pourra à l'avenir maintenir cette générosité sauf si ces résultats s'accroissent de manière notoire. En effet, le rendement total pour l'actionnaire utilise actuellement plus de 200% des ressources du free cash flow moyen généré. Il faudra donc choisir, soit maintenir le dividende, soit continuer à baisser la dette. A moins qu'ils ne décident d'émettre des actions pour financer le tout. Ceci n'aurait évidemment aucun sens pour les actionnaires.
Risiken
Malgré son statut de leader, auto-proclamé à la pointe de l'innovation, LafargeHolcim n'a pour l'instant rien d'une franchise. La marge brute est certes bonne, mais elle ne se concrétise pas sur la marge nette, qui est lamentable. Les frais généraux sont très importants, avec 83%. Le goodwill est en baisse. Enfin, les dépenses en capital sont monstrueuses, puisqu'elles représentent sur ces cinq dernières années 371.3% des bénéfices. Ceci explique beaucoup des difficultés rencontrées par l'entreprise.
On ne va pas parler de risque de faillite, même si le Z-Score (Altman) est dans le rouge, avec 1.72. Les banques sont en effet encore et toujours friandes de prêter aux gros bonnets. Ils le font bien actuellement pour les coiffeurs. C'est à se demander d'ailleurs si le terme de faillite ne devrait pas être banni du dictionnaire, les banques centrales ayant décidé qu'on vivait dans le monde des bisounours. Notons quand même qu'avec un F-Score (Piotroski) de 6, LHN peut être considérée comme assez solide, sans toutefois pouvoir offrir de belles perspectives en termes de plus-value boursière.
Même si son secteur d'activité est porteur, il est particulièrement exposé aux soubresauts économiques. Avec l'endettement de LHN et ses problèmes de profitabilité, il n'est pas étonnant que l'action LafargeHolcim soit volatile (39%) et sensible au marché (beta de 1.6). En tant que grosse entreprise, les institutionnels s'y bousculent. On notera la présence notamment de Vanguard, UBS, Credit Suisse, BlackRock, Invesco et Vontobel, parmi plein d'autres ! Qui a envie de se mesurer à cette belle équipe ? Pas moi en tout cas... Le jour où ils décident de quitter le navire ça risque de secouer la moindre.
Abschluss
Malgré une valorisation a priori alléchante sur les sites financiers usuels, l'action LafargeHolcim est trop chère pour ce qu'elle vaut réellement. Comme beaucoup d'autres titres actuellement, son cours pourrait facilement être divisé par deux. On reviendrait alors à des standards historiquement plus convenables.
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merci pour l’analyse 😉
Avec plaisir 😉
Perso j’avais voté pour Michelin ^^ ça m’interesserait beaucoup d’avoir ton avis dans une prochaine analyse peut-être 🙂
Pas de souci, je vais relancer un vote prochainement en reprenant (au moins) les têtes de liste. C’était très serré entre Michelin et LafargeHolcim !
Merci pour cette excellente et utile analyse.
J’ai du LHN en portefeuiĺle. Ce n’est peut-être pas la panacée pour les raisons que tu relèves, mais ce n’est comparativement pas mauvais. A défaut de grives… En l’état actuel des choses, je considère encore que les avantages de ce titre l’emportent sur ses inconvénients.
Mon problème est que si je me fiais uniquement à l’analyse de titres pour eux-mêmes, sans comparer et étudier des alternatives, je serais 100% en cash. Mais le cash à long terme n’est pas une solution, non seulement parce que cela ne rapporte rien mais que cela expose à l’inflation ( et avec les millards « imprimés » par les banques centrales…). Bon, certains disent que, par les temps qui courrent, l’essentiel n’est pas de gagner mais de ne pas perdre; je dois dire que c’est un peu ma philosophie actuelle.
Salut Laurent
Oui, tu as raison. Actuellement on peut analyser pratiquement n’importe quel titre et parvenir à la conclusion qu’aucun n’est valable. Donc, comme tu le dis, ça impliquerait de rester cash à 100%.
Perso, je n’ai plus beaucoup d’actions et évidemment cette situation ne me satisfait guère. J’avais espéré une correction de plus grande ampleur en ce début d’année, afin qu’on retrouve des niveaux de valorisation décents. C’est raté, en tout cas pour l’instant.
Ceci étant dit, il n’y a pas que le cash, il y a aussi d’autres actifs possibles (immobilier, or, obligations, crypto-monnaies…).
A++
Guten Morgen,
Je n’ai pas creusé le dossier mais je me pose la question de l’historique considéré. La plupart du business dépend des pays émergents qui n’ont pas été à la fête ces dernières années avec la baisse généralisée des matières premières.. Du coup, même en prenant un historique de 5 ans, on pourrait être sur une période correspondant à un bas de cycle qui dure… Il faudrait inclure les années 2006 et 2007 qui correspondaient au précédent haut de cycle pour avoir une idée de la capacité bénéficiaire maximale … et définir une moyenne sur un cycle !
Ah oui alors là c’est vraiment des méga-cycles 🙂
Si on part sur des durées de quinze ans ça commence à poser des questions d’ordre structurel. Tellement de choses peuvent évoluer favorablement ou défavorablement sur un horizon pareil qu’on rentre dans le domaine des prévisions, celles que je laisse aux analystes (et qui sont presque toujours fausses…). D’ailleurs « LafargeHolcim », n’existait pas en 2006-2007. Même si on pourrait s’amuser à voir ce que « Lafarge » et « Holcim » ont fait à ce moment-là, la réalité d’aujourd’hui est toute autre, avec une seule entité.
Sur cinq ans, on parvient à valoriser, malgré l’inconstance des bénéfices, tout en restant assez proche de la réalité du moment.
Guten Morgen,
Quels sites utilisez-vous pour trouver toutes les informations financières et ratios des sociétés ?
Salutations.
Guten Morgen
J’utilise Financial Times qui me fournit les données brutes. Je calcule moi même tous les ratios.