LA MAUVAISE QUALITÉ EST TOUJOURS TROP CHÈRE
Qu’il s’agisse de meubles, de chocolat ou d’actions, la qualité coûte souvent cher… mais le vaut bien. Par contre, la mauvaise qualité est toujours trop chère.
A choisir, il est préférable d’acheter une action de grande qualité à un prix un peu trop élevé qu’une société médiocre qui s'échange à un PER (price / earnings ratio) bas, surtout lorsque l’on investit à long terme.
Charlie Munger le formule ainsi: « A great business at a fair price is superior to a fair business at a great price ».
Les entreprise les plus intéressantes se trouvent surtout dans les secteurs PEU CYCLIQUES tels que les biens de consommation non durables ou la santé / pharmacie. Ces sociétés ont généralement un cash flow important et n’ont pas besoin d'investir beaucoup de capital pour maintenir ou étendre leur business. Elles disposent d’un avantage compétitif, p.ex. des marques connues (Nescafé) ou la possibilité d'augmenter les prix sans perdre de clients (Altria).
La prévisibilité et la régularité des résultats vaut également de l’or ! (p.ex. IVF Hartmann).
GARDER LA VUE D’ENSEMBLE
Le PER d’une action ne signifie absolument rien considéré de façon isolée. Il faut toujours comparer cette valeur au PER que l'action mérite selon des critères objectifs. Une action avec un PER de 30 mais des perspectives fantastiques (p.ex. Partners Group) peut être bien plus intéressante qu'une autre avec un PER de 15 (p.ex. Oerlikon).
Il existe pour chaque entreprise des dizaines de données fondamentales qui peuvent être analysées. Il est primordial de SIMPLIFIER les choses autant que possible afin de garder la vue d'ensemble. Pour ma part, j’utilise 5 à 6 critères quantitatifs principaux avec lesquels je suis à l'aise et qui me donnent en partie des informations complémentaires.
Lors de mes analyses, j’utilise uniquement les chiffres annuels. Les résultats trimestriels des sociétés ne sont que du bruit de fond. Les entreprises de qualité changent peu d'une année à l'autre.
Il ne faut pas non plus hésiter à arrondir les chiffres, s'intéresser aux ordres de grandeur, se concentrer sur les tendances et ne pas se perdre dans les détails.
Regarder un graphique à long terme (idéalement au moins 10 à 20 ans) de l'action donne souvent une assez bonne idée de la qualité de l'entreprise. Cela permet surtout de voir si elle crée ou détruit de la valeur sur le long terme et comment elle a traversé les crises économiques et a su se relever après une récession (résilience).
Regarder un chart intraday recouvert d'indicateurs techniques ne fait qu'hypnotiser, embrumer l'esprit et nous fait passer à côté de la vue d'ensemble (« l'arbre qui cache la forêt »).
PARLONS CHIFFRES
Je vais maintenant vous présenter la liste de mes critères et vous expliquer par la suite comment chacun se calcule et ce qu'il signifie. Notons que ces critères ne sont pas valables pour analyser les banques traditionnelles et les assurances, ni les actions immobilières.
Mes 5 critères quantitatifs:
- ROE
- Marge bénéficiaire nette
- % de fonds propres
- Dividende
- Croissance du chiffre d’affaire et du bénéfice net.
UN EXEMPLE CRIANT
Afin d’illustrer mon propos, je vais avoir recours à deux sociétés aux résultats et fondamentaux diamétralement opposés : EMS Chemie et Schaffner, que l’on pourrait aussi nommer la belle et la bête…
Commençons par Schaffner. Il s’agit d’une entreprise active dans les équipements électroniques. Sur son site internet, on peut lire dans les news : « The Schaffner Group continuous to broaden ecosine evo series, the new generation of passive harmonic filters with an evolutionary modular concept and unparalleled technology ».
Ouah ! Franchement, j’ai rien compris, mais ça sonne drôlement bien et on se dit qu’on doit être en présence d’une entreprise à la pointe avec un profil extrêmement sexy ! Mais si tout cela n’était que de la poudre aux yeux, du parfum bon marché pour recouvrir l’odeur du fumier ?
Quant à EMS Chemie, il s’agit d’un fabricant de produits chimiques spéciaux et de polymères. Pas de news sexy sur le site internet, une entreprise à première vue très traditionnelle perdue dans le canton des Grisons.
Sur un graphique d’une année, les deux entreprises ont offert une très belle performance d’environ 40% :
Schaffner
EMS Chemie
Très convaincant ! Alors, que faut-il acheter : Schaffner ou EMS Chemie ?
Comme je ne suis pas vraiment un fan du court terme, je regarde ensuite la performance de ces deux sociétés depuis leur cotation à la bourse suisse :
Schaffner
EMS Chemie
Quoi !!! Schaffner s’échange au même prix qu’il y a 20 ans ! Ce graphique dansant, on dirait mon fils qui joue au yoyo ! Alors qu’EMS Chemie a explosé de plus de 3000% en 30 ans !!! Comment une telle différence est-elle possible ? Qu’est ce qui fait qu’il y a un tel fossé entre ces 2 entreprises ?
Et si l'on comparait maintenant ces sociétés sur la base de mes 5 critères...
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J’ai oublié une remarque: Les bonnes entreprises restent focalisées sur ce qu’elles savent bien faire et évitent de se perdre dans des diversifications qui ne font aucun sens. Warren Buffett nous rappelle dans le rapport annuel 1996 que Coca-Cola avait par exemple essayé de se diversifier dans l’élevage de crevettes (!!!) avant de revenir à la raison:
« A far more serious problem occurs when the management of a great company gets sidetracked and neglects its wonderful base business while purchasing other businesses that are so-so or worse. When that happens, the surfe ring of investors is often prolonged. Unfortunately, that is
precisely what transpired years ago at both Coke and Gillette. (Would you believe that a few decades back they were growing shrimp at Coke and exploring for oil at Gillette?) Loss of focus is what most worries Charlie and me when we contemplate investing in businesses that in general look outstanding ».
Je suis 100% d’accord, autant sur le fait qu’il vaut mieux acheter un peu cher une société de qualité (plutôt qu’une super occase sur un titre pourri) que sur le fait que les meilleures sociétés sont celles qui se focalisent sur ce qu’elles savent bien faire, avec un petit faible pour les biens de consommation non cycliques. Comme disait aussi P. Lynch, I’m faut privilégier les entreprises dans des secteurs peu ‘sexy’ et dont le business est facile à comprendre.
En effet, lire « one up in Wall Street » de Peter Lynch a foncièrement changé ma façon de voir les entreprises. Une société qui vend des nouilles est généralement un bien meilleur investissement boursier qu’une start up high tech.
Mon exemple préféré en Suisse est IVF Hartmann, toute petite société qui n’intéresse aucun analyste financier et vend des produits totalement non sexy: des gants en latex, des sparadraps, des produits de désinfection ou encore, absolument top: des langes pour les personnes âgées incontinentes!!!
Jamais vu des produits aussi peu glamour, inintéressants, voire tabous. Et pourtant: l’action est une pure merveille…
Un ami qui m’en parlait déjà il y a quelques temps. Je vais certainement acheter à l’occase. Dans le même genre j’ai acheté Orior la semaine passée.
Orior opère avec une marge bénéficiaire faible (de l’ordre de 5%) et autant le chiffre d’affaire que le dividende n’augmentent que de façon anémique. Pas un DGI, mais une bonne pseudo-obligation.
Hartmann est vraiment une entreprise incroyable, j’avais eu l’occasion une fois d’être en contact avec un de leurs représentants et j’avais été époustouflé par leur réseau de vente, notamment dans le milieu hospitalier. Des gros clients leur avaient p. ex. dit que c’était dommage qu’ils ne vendaient pas de papier hygiénique (et qu’ils devaient avoir recours à un autre fournisseur juste pour cet article), et paf, quelques semaines plus tard ils avaient ajouté le PQ à leur catalogue et élargi leur palette en fonction des besoins des clients. Une société hyper réactive et aucune lourdeur administrative inutile.
Aussi une super action solide et qui croît gentiment mais sûrement, je mettrais ma main à couper qu’elle va rapporter 10% de gains par année si tu la gardes au moins 5 à 10 ans. Seul bémol, le dividende très faible. Aussi faire attention à la faible liquidité et attendre que le spread descende sous les 2% au moment de l’achat. Je pense que j’écrirai une fois une analyse sur cette perle.
Avec très grand plaisir!
Orior j’aime bien parce que cela n’intéresse personne et c’est de la bouffe. Dans le même genre j’ai Emmi et Bell qui m’ont déjà plus que doublé la mise. J’ai vraiment un faible pour le secteur de l’alimentation, besoin primaire selon Maslov.
Merci pour ces deux articles et la comparaison éclairante entre EMS Chemie et Schaffner. Je ne connaissais pas IVF Hartmann. J’ai un PE de 30 ce qui est un peu cher, mais je vais aller voir en détails cette société. J’espère découvrir d’autres sociétés suisses intéressantes (hors SMI) dans la suite des articles. Et oui, le domaine consumer discretionary est aussi l’un de mes favoris; les valorisations sont cependant exagérées ces temps.
Tu as raison Jean@Louis, les valorisations actuelles sont sportives. J’ai l’impression de traverser le Sahara avec un seul stand de boissons à l’horizon et un Touareg qui demande 10 fr pour un simple verre d’eau…
Difficile dans ces conditions de trouver encore des actions à recommander. Ma liste actuelle est devenue aussi courte que la liste des bonnes actions de Donald Trump durant les 70 dernières années…
Il y a IVF Hartmann que je peux vraiment conseiller en bonne conscience malgré le prix relativement élevé, car c’est vraiment une action de grande qualité et qui traverse aussi très bien les crises boursières (voire qui en profite).
Il y a aussi Burkhalter, Zug Estates, Partners Group et Titlis Bergbahnen… et c’est déjà à peu près tout! Partners semble optiquement très chère mais je ne suis pas du tout d’accord avec ce point de vue et j’y vois encore un potentiel d’appréciation très important ces prochaines années.
Deux articles sur Partners et Titlis sont en préparation (faut bien s’occuper avec ces journées pluvieuses).
Titlis cela m’a tout l’air d’être le même genre de super titre comme JFN et BVZN. J’adore ce genre de business… Marché de niche, monopole de position. J’ai déjà JFN et BVZN, si j’ajoute Titlis il ne manquera plus qu’une case pour avoir les 4 cases de chemins de fer du Monopoly
Tu devras malheureusement en rester à 3 cases avec ton Dividenpoly… Ce sont les seules sociétés de remontées mécaniques cotées à la bourse suisse. Les autres (Lenzerheide, Arosa, Davos Klosters, Engadin St. Moritz, Schilthorn, Pilatus,…) ne sont négociées que hors-bourse (BEKB). Mais tu ne rates pas grand chose, Jungfraubahnen, Titlis et BVZ étant les seules vraiment intéressantes car profitant autant de la saison hivernale qu’estivale.
BVZ est pour moi beaucoup trop chère actuellement. Jungfrau OK mais j’ai du mal à imaginer un potentiel de plus de 10 à 15% les prochaines années. Titlis a en théorie le plus gros potentiel haussier, mais aussi le plus d’inconnues.
Hallo Jerome,
Je pense que tu as oublié une chose importante dont tout investisseur ne pense au moment d’analyser une action.
C’est l’authenticité de l’entreprise. Il est crucial qu’elle garde une ligne directrice afin que leurs clients s’y reconnaissent ou s’identifient. Si c’est le cas, ils leur seront fidèles et la création de la valeur pour l’actionnaire s’en ressentira.
L’exemple de Coca Cola sur les crevettes montre que diversifier son activité hors de son champ historique peut être rédhibitoire.
Aufrichtig.
Merci pour ton commentaire Sovanna.
Effectivement, la focalisation, l’image que renvoie l’entreprise (p. ex. respectueuse de l’environnement ou des conditions sociales) ou encore l’identification à une marque sont des aspects importants et difficilement chiffrables. J’aborde ces critères qualitatifs par la suite (je sais plus si c’est dans la partie 5 ou 6).
Que penser du cours actuel d’EMS-CHEMIE qui avait touché les 700.- en début d’année et déjà passé par la case moins de 600.- en avril dernier? Sommes-nous dans une fenêtre oportunité d’achat?
Merci pour vos points de vue.
Oui clairement! J’avais vendu mes actions EMS Chemie vers 685 parce que je les trouvais alors grossièrement surévalués et j’en ai justement racheté aujourd’hui à 582.
L’action est toujours chère, mais vu les qualités de l’entreprise justifiée. La valorisation est à nouveau dans la moyenne historique et le dividende de 3.2% est également intéressant.