La guerre des portefeuilles : les ETFs

Cette publication est la partie 2 de 2 dans la série La guerre des portefeuilles.
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L'histoire des ETFs remonte à 1993, avec le lancement de SPY, qui se base sur l'indice phare américain, le S&P 500. Encore aujourd'hui, c'est l'ETF le plus connu et qui comporte le plus d'actifs sous gestion. Ces instruments sont utilisés tant par les grands investisseurs institutionnels que par les petits porteurs.

Les avantages des ETFs

Les ETFs permettent d'investir de manière facile, rapide, diversifiée et avec un minimum de frais. Contrairement aux fonds de placement, ils sont négociables sur le marché boursier, ce qui assure de la liquidité et permet de suivre une stratégie d'investissement de manière fiable, continue (sans délai) et en ne sacrifiant pas la rentabilité avec des commissions trop importantes.

Si les ETFs sont si appréciés par les petits comme par les plus gros investisseurs, c'est qu'ils remplissent différentes fonctions selon la taille du portefeuille et de l'expérience / savoir-faire de celui qui le gère.

Pour les débutants

Pour un néophyte, avec un petit capital, ils permettent de rentrer sur le marché de manière diversifiée en un seul achat, donc avec des frais minimes. Il est même possible, avec un unique ETF, de constituer un portefeuille de différentes classes d'actifs (actions et obligations du monde entier). C'est le cas par exemple de l'ETF GAL que nous avons mentionné dans notre dernier post.

À l’échelon juste au-dessus

Pour un niveau intermédiaire, avec une fortune modérée, les ETFs se combinent idéalement entre eux, en permettant de juxtaposer au sein d'un portefeuille plusieurs classes d'actifs (et même des sous-classes, comme des indices sectoriels ou géographiques). C'est idéal pour répartir les risques sur plusieurs instruments, au lieu d'un seul. Les possibilités d'allocations sont quasi infinies. J'en présente plusieurs dans mon ouvrage, et on va passer à travers certaines d'entre elles dans nos prochains articles.

Pour les plus gros poissons

Pour un investisseur plus affûté, avec un capital supérieur, les ETFs sont idéaux pour compléter un portefeuille en actions avec d'autres classes d'actifs minoritaires, comme l'or, les obligations, l'immobilier ou même le bitcoin. Le principe est le même qu'évoqué au paragraphe précédent, sauf qu'une partie du PF est investie de manière directe.

Laisser les actifs minoritaires aux ETFs permet de se concentrer sur les actions, en économisant des frais de transaction et surtout en se simplifiant la vie. En effet, certains instruments, comme les obligations, l'immobilier et l'or, sont plus difficiles d'accès et plus chronophages pour un investissement en direct.

Défauts des ETFs

Les ETFs présentent néanmoins certaines limites qui découlent des caractéristiques mêmes qui en font leur attrait. Les indices sont élaborés pour refléter une portion du marché, et par conséquent, les ETF indiciels reproduisent fidèlement cette image. Ils constituent donc une représentation approximative de l'ensemble du marché.

Dans le même ordre d'idées, la grande majorité des ETFs en actions sont conçus pour être pondérés selon la capitalisation boursière. Cela implique que, bien qu'ils incluent des actions de petites capitalisations, leur contribution au portefeuille est si faible qu'elle a un impact négligeable sur la diversification, la performance et le risque global.

Pour cette raison, entre autres, les ETFs ont aussi une fâcheuse tendance à se ressembler. Leurs noms diffèrent, leur indices de références aussi, mais en fin de compte leurs nuances sont assez subtiles, à moins que leurs classes d'actifs soient distinctes. C'est un peu comme si vous alliez dans un supermarché du genre Carrefour au rayon produits laitiers. Vous y trouverez des briques de lait à n'en plus finir, de différentes marques, variantes, formats et emballages. Mais au final, le contenu est à 99% toujours le même. Le choix peut donc être déroutant.

Cette ressemblance a pour conséquence que les ETFs, au sein de classes d'actifs similaires, sont fortement corrélés. Dans la plupart des situations, les juxtaposer dans un portefeuille n'amène rien en termes de performance et encore moins en termes de risques.

Last but not least, à quelques exceptions près, les ETFs ne se soucient pas de la qualité et du prix de leurs composants. On reviendra en détail plus loin sur ce point important.

Quelques exemples

Pour illustrer ceci, prenons les exemples suivants :

  • QQQ d'Invesco reproduit l'indice Nasdaq 100 qui comprend 100 des plus grandes sociétés non financières nationales et internationales cotées sur le marché boursier du Nasdaq en fonction de la capitalisation boursière. Les dix plus grosses positions constituent plus de la moitié de la capitalisation de l'indice.
  • SPY de SSGA reproduit l'indice S&P 500 qui comprend les 500 plus grosses capitalisations boursières aux USA. L'indice représente 80% du marché US au niveau de la capitalisation. Pourtant, seule une action américaine sur sept y est représentée. Les dix plus grosses positions constituent plus du tiers de la capitalisation de l'indice.
  • VTI de Vanguard reproduit l'indice CRSP US Total Market qui comprend la quasi-totalité des actions négociables aux USA (un peu plus de 3500 positions). Les micro-caps et même une grosse partie des nano-caps y sont représentées (il ne manque que les capitalisations inférieures à 15 mio de USD). Les dix plus grosses positions constituent près du tiers de la capitalisation de l'indice.
  • VT, toujours de Vanguard, reproduit l'indice FTSE Global All Cap Index qui comprend des actions de petite, moyenne et grande capitalisation provenant des pays développés et émergents. L'indice compte près de 10'000 positions et représente près des 3/4 de la capitalisation mondiale. Toutefois, malgré ceci, seule une action sur cinq au niveau mondial y est représentée. Les dix plus grosses positions constituent près de 20% de l'indice.

Ces instruments bien connus sont représentatifs de ce qu'on constate généralement avec les ETFs :

  • Ils sont une approximation du marché. Ils le représentent généralement assez bien, mais pas parfaitement, en termes de capitalisation. En nombre de titres par rapport au marché, c'est beaucoup plus laborieux. Les petites entreprises en font largement les frais. Seul VTI de Vanguard dans les exemples ci-dessus affiche une image presque parfaite du marché (US), tant au niveau de la capitalisation que des titres.
  • La pondération par la capitalisation accentue encore ce biais en faveur des grosses entreprises. Quand on regarde les dix plus grosses positions, on constate qu'elles représentent une part importante de l'indice et donc de l'ETF. C'est le cas évidemment avec QQQ qui ne compte que 100 positions, mais c'est même le cas avec VT qui compte pourtant près de 10'000 positions.
  • À cause de la pondération par la capitalisation, les dix premières positions sont quasi identiques, non seulement au sein de ces ETFs, mais aussi auprès d'une multitude d'autres. Même les ETFs globaux n'échappent pas à cette règle. VT, par exemple, ne comporte actuellement qu'un seul titre non US parmi les dix premières positions. Pour les neuf autres positions, c'est presque équivalent à SPY.
  • Cette ressemblance entre les ETFs se traduit directement au niveau de leurs corrélations :
La guerre des portefeuilles : les ETFs
VT, VTI et SPY affichent une corrélation quasi parfaite. Celle de QQQ est légèrement moins élevée, mais demeure très forte. Cette différence s'explique par le fait qu'il ne comporte que 100 positions. Il est donc moins représentatif du marché.
  • Utiliser plusieurs ETFs de classes d'actifs similaires, même au niveau mondial, ne permet ainsi généralement pas d'enrichir un portefeuille en termes de risques et rentabilité. Il y a quelques rares exceptions à cela, notamment en utilisant des sous-classes d'actifs sectorielles ou géographiques complémentaires (on verra ceci plus loin).
  • Malgré des ressemblances et corrélations importantes, les ETFs ne se valent paradoxalement pas, ni en termes de performance, ni en termes de risques (on reviendra sur ce point ultérieurement).

Le problème des ETFs sur le marché des actions

Nous venons de voir plusieurs écueils des ETFs, mais nous avons laissé de côté le plus gros. En tant que tels, les ETFs, dans leur immense majorité, ne se soucient ni de la qualité, ni de la valeur de leurs composants. On y trouve du très bon, du très mauvais, du bon marché et aussi du très cher. Les sociétés largement déficitaires y côtoient des vaches-à-lait et les performances boursières de leurs actions respectives jouent au grand écart.

Un indice (et donc un ETF) est tiré vers le haut par une poignée d'actions qui réalisent des gains exceptionnels. Selon S&P Dow Jones Indices, seulement 22 % des actions du S&P 500 ont surperformé l’indice lui-même de 2000 à 2020. Ceci explique pourquoi la plupart des investisseurs (entre 80 et 97% selon les sources) n'arrivent pas à battre le marché. Ce n'est pas nécessairement parce que les investisseurs sont mauvais, certains le sont effectivement :-), mais ce n'est pas le cas de tous ! C'est surtout parce que le marché leur offre peu de chances. Entre 2000 et 2020, tandis que le S&P 500 gagnait 322 %, l’action médiane n’augmentait que de 63 %. Près de quatre actions du S&P 500 sur cinq réalisaient une moins bonne performance que l'indice. Pire : un quart des actions affichaient carrément une performance négative.

S&P 500 du 29.12.2000 au 31.12.2020 : répartition des gains de ses composants

La guerre des portefeuilles : les ETFs

Alors, ETF ou pas ETF ?

Nous avons observé que les ETFs offrent des avantages indéniables aux investisseurs, qu'ils soient novices ou aguerris, et ce, quel que soit le montant de leur portefeuille. Néanmoins, nous avons également identifié certaines limites importantes. Malgré la variété considérable d'options disponibles, ces instruments financiers présentent généralement une diversité relativement limitée au sein des mêmes classes d'actifs. En ce qui concerne les actions, il est important de souligner un biais manifeste en faveur des grandes entreprises.

Cela dit, s'agissant des obligations, des métaux précieux, des matières premières et de l'immobilier, les fonds négociés en bourse offrent des avantages en termes de liquidité, de simplicité et d'économie. Pour ceux qui cherchent à diversifier leur portefeuille avec ces types d'actifs, recourir aux ETFs s'avère être un choix judicieux.

En revanche, pour les actions, la question est plus nuancée. Comme nous l'avons souligné, un portefeuille de petite à moyenne taille bénéficie grandement de l'utilisation des ETFs pour garantir une diversification à coût réduit. Au-delà de ce cadre, le choix dépendra davantage des préférences personnelles et des compétences de gestion de chaque individu.

Gestion indicielle (via les ETFs)

On peut penser que, puisque les chances de surpasser l'indice sont très minces, il est préférable d'investir uniquement sur le marché des actions via des fonds indiciels. Cela permet de bénéficier de la performance des grandes entreprises gagnantes qui tirent l'indice vers le haut. Cette approche garantit un rendement annuel moyen d'environ 10 % en dollars sur le S&P 500 (soit 7 % en termes réels).

Il s'agit d'une méthode éprouvée et facile à adopter, bien plus avantageuse que de laisser son argent dormir sur un compte bancaire. Toutefois, nous verrons plus loin, ainsi que dans nos prochains articles, que cette stratégie ne constitue pas la solution la plus avantageuse, tant sur le plan de la rentabilité que de la gestion des risques.

LIRE  Qu’est-ce qui fonctionne à Zurich & Paris : le rendement en dividendes (conclusion)

Gestion active (via les actions)

S'il y a relativement peu de chances de tomber sur les très gros gagnants, il est relativement plus facile de dénicher les perdants, comme on le voit sur le graphique ci-dessus. En utilisant quelques facteurs de Qualité, Valeur et Momentum, que j'explicite dans mon ouvrage et dans certains de mes backtests, on parvient assez facilement à séparer le bon grain de l'ivraie. La sélection d'actions répondant à ces critères permet ainsi d'obtenir de meilleurs résultats que le marché.

Risque et performance

Reprenons à présent nos quatre ETFs de départ et voyons, en plus de leur corrélations, comment ils se sont comportés.

La guerre des portefeuilles : les ETFs

VT

VT a été très clairement distancé durant les 17 années analysées. Malgré une corrélation très élevée avec SPY, il a affiché, par rapport à tous les autres ETFs, une moins bonne performance (ici en USD), avec une volatilité pourtant assez haute. Le ratio de Sharpe, qui mesure la rentabilité par rapport au risque est donc, sans surprise, la moins bonne de toute. Ce résultat peut sembler étonnant, vu que VT est le plus diversifié de ces quatre ETFs, avec près de 10'000 positions, réparties de surcroît dans le monde entier.

C'est pourtant ce dernier point qui explique grandement la relative contre-performance de VT. Comme l'ETF comprend les marchés émergents, il souffre paradoxalement de l'effet de croissance qui caractérise les actions de ces régions. Ce phénomène a été dépeint par J. Siegel dans son ouvrage "Stocks for the long run". L'auteur compare les actions des marchés émergents aux titres de croissance des pays développés. Les deux ont tendance à sous-performer du fait des attentes excessives des investisseurs.

L'ETF IWDA (Londres) qui représente les actions des pays développés au niveau mondial, montre bien ce phénomène. En bleu ci-dessous, il distance nettement VT (en rose), qui est largement pénalisé par sa composante émergente (en vert).

La guerre des portefeuilles : les ETFs

Les marchés émergents stagnent depuis 2010. Actuellement, ils sont redevenus attractifs sur le plan des valorisations, affichant un ratio cours/bénéfice (PER) de 12. On peut anticiper un rattrapage à un moment donné, ce qui pourrait avoir des retombées positives sur VT. Cependant, cet instant pourrait encore tarder à se manifester. En effet, la politique actuelle suivie par certains de ces pays ne favorise pas les investissements, compromettant ainsi la croissance de leurs performances économiques et financières.

Il faut noter par ailleurs que beaucoup de pays développés ont également sous-performé. Historiquement, en dehors des USA, les actions les plus performantes se trouvent au Canada, en Australie et en Suisse. En balayant large, VT se retrouve donc avec une multitude de pays émergents, mais aussi développés, qui sous-performent. Il y a une part conjoncturelle, certes. Mais vu que cette tendance perdure depuis des décennies pour beaucoup de ces pays, il y a aussi une part structurelle non négligeable.

VT n'apporte donc aucune valeur ajoutée par rapport à SPY dans un portefeuille, que ce soit en matière de diversification, de performance ou de gestion des risques. En réalité, c'est même l'inverse.

VTI et SPY

VTI possède une corrélation presque parfaite avec SPY, encore plus que VT. Il affiche, sur la période analysée (01.07.2008 - 31.10.2024), une performance tout juste inférieure à SPY, avec une volatilité plus élevée. Le ratio de Sharpe est donc également moins bon que son homologue.

Le phénomène n'est pas aussi marqué que ce qu'on a constaté ci-dessus avec VT. Cela s'explique du fait qu'on se cloisonne ici au marché US. Si VTI est plus volatil que SPY, malgré un nombre plus élevé de positions, c'est qu'il comporte aussi des entreprises à plus petite capitalisation. Ceci explique aussi la performance légèrement plus basse sur la période analysée.

Le graphique ci-dessous montre bien la différence subtile qui existe entre SPY (en bleu) et VTI (en vert). J'ai ajouté également en rose "IWM", un ETF qui représente l'indice Russell 2000 des petites capitalisations et en orange "IWR", un ETF qui représente l'indice Russell Mid-Cap. Tous deux font partie du "package" VTI. On voit voit comment les petites et moyennes capitalisations ont tiré ici très légèrement vers le bas VTI. L'effet est minime, parce que leurs poids dans l'ETF est relativement modeste.

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Toutefois, si on remonte au début du lancement de VTI (2001), l'image est sensiblement différente (voir ci-dessous). Les Mid Caps ont nettement mieux performé que les autres. Les petites entreprises n'ont pas fait aussi bien, mais elles se sont malgré tout mieux comportées que sur la première période analysée. Elles ont même mieux performé que le S&P 500 sur la majorité de la durée. Les prix Nobel Fama et French ont démontré que les actions de petites capitalisations surperforment régulièrement le marché. On reviendra en détail sur ce point plus loin.

La guerre des portefeuilles : les ETFs

VTI peut donc constituer un choix intéressant pour investir dans le marché américain. Les différences avec SPY sont très subtiles. Leur corrélation est très forte, avec l'un ou l'autre qui surperforme légèrement par intermittence, en fonction du comportement des petites et moyennes capitalisations. Le volume joue clairement en faveur de SPY, mais celui de VTI est tout ce qu'il y a de plus correct, à des lustres de ce qui se pratique en Europe (on en reparle plus loin).

On a donc le choix entre SPY et VTI. Si on veut acheter la totalité du marché, en ayant accès en un seul achat aux petites et moyennes entreprises, alors on se rabat sur VTI. Si on veut se focaliser sur les grosses entreprises, on emploie SPY. Cela peut être une solution intéressante si on préfère acheter directement les actions des petites entreprises, ce que je recommande de faire (on verra plus loin pourquoi). Dans ce cas VTI est redondant.

Dans tous les cas, la distinction entre ces deux ETFs est insignifiante. Il est donc préférable de choisir l'un ou l'autre. L'achat des deux n'est pas rationnel. Si l'on désire diversifier ses investissements entre deux émetteurs différents, ce qui peut s'avérer judicieux lorsque l'on possède une part importante de son capital dans une seule position, il est possible d'opter pour SPY ainsi que pour son équivalent, VOO de Vanguard. Ce dernier affiche un volume d'échanges moins élevé que SPY, mais demeure supérieur à celui de VTI.

QQQ

QQQ est un cas à part. Il est le moins corrélé aux autres ETFs analysés, ce qui s'explique par la quantité relativement petite de positions qu'il comptient (100). Surtout, il affiche une performance nettement supérieure aux autres. En particulier, sa rentabilité se révèle plus de deux fois supérieure à VT, pour à peine plus de volatilité. Le ratio de Sharpe est également le meilleur de tous les ETFs.

La faible corrélation de QQQ avec les autres ETFs, son positionnement sur un marché de niche, ainsi que son excellent ratio de Sharpe, en font un candidat particulièrement attractif pour diversifier un portefeuille d'investissement. Examinons cela de plus près.

Les sous-indices et leurs ETFs

J'ai mentionné en début d'article que certains ETFs se combinent idéalement entre eux, en permettant de juxtaposer au sein d'un portefeuille non seulement plusieurs classes d'actifs, mais aussi des sous-classes, comme des indices sectoriels ou géographiques. C'est idéal pour répartir les risques sur plusieurs instruments, au lieu d'un seul, ce qui devient nécessaire lorsque la fortune devient importante. De plus, cette méthode permet d'obtenir aussi souvent de bons résultats, tant du point de vue du risque que de la performance.

Ainsi, plutôt que s'attarder sur un marché global, on le décompose en sous-indices. On peut par exemple associer les actions américaines et suisses (SPY+EWL) ou décomposer le marché US en trois secteurs : techno, santé et biens de consommation (QQQ+XLV+VDC). Les instruments choisis ici sont donnés ici à titre d'exemple. Il existe une multitude de configurations possibles et on passera certaines des ces allocations en revue dans nos prochains posts.

Il faut relever que, même s'ils sont tous basés sur la même classe d'actifs (les actions), certains ETFs sectoriels ou géographiques, comme ceux mentionnés dans le paragraphe précédent, sont relativement peu corrélés à SPY et VT (0.8). Surtout, ils sont encore moins corrélés entre eux (entre 0.6 et 0.7) :

La guerre des portefeuilles : les ETFs

Il peut paraître étonnant de considérer QQQ comme un ETF sectoriel, puisqu'il représente aussi un marché (le Nasdaq). Toutefois, il possède une forte composante technologique. Il est hautement corrélé (>0.97) à XLK et VGT, les ETFs sectoriels technos de SPDR (SSGA) et Vanguard, avec une meilleure rentabilité et un meilleur ratio de Sharpe. Par ailleurs, nous avions vu plus haut, qu'avec seulement 100 positions, il était moins représentatif de la totalité du marché US (et donc moins corrélé à ce dernier).

Avec les quatre ETFs ci-dessus, on a des candidats intéressants pour bâtir la part en actions d'un portefeuille, d'autant que, les résultats en termes de risque et performances jouent plutôt en leur faveur. Voyons maintenant ce qu'il en est des autres classes d'actifs.

Les autres classes d’actifs

L'or (GLD) et les bons du trésor US à longue maturité (TLT) sont des instruments essentiels dans la constitution d'un portefeuille, car ils affichent une corrélation nulle, voire inverse aux actions. Ceci permet de diminuer la volatilité d'un portefeuille, ce qui est particulièrement utile lorsque le marché part plein Sud.

Il y a encore d'autres classes d'actifs que nous n'avons pas abordées, par exemple l'immobilier, les matières premières, les obligations d'entreprises, les bons du trésor à courte et moyenne maturité, etc. Celles-ci peuvent dans certains cas être intéressantes, mais elles ne sont pas aussi pertinentes en termes de diversification, à cause d'une corrélation plus ou moins élevée avec les autres classes d'actifs, comme le montre le tableau suivant :

La guerre des portefeuilles : les ETFs

Constats :

  • TLT (bons du trésor US à longue maturité) est l'ETF qui affiche la plus forte corrélation négative avec SPY, soit avec le marché des actions US. C'est un atout de poids en termes de diversification, en particulier lorsque la bourse chute. Il est efficace pour faire baisser la volatilité du PF.
  • GLD (or) affiche une corrélation presque nulle par rapport aux actions et assez faible par rapport à l'ensemble des classes d'actifs affichées. C'est aussi un atout de poids au sein d'un portefeuille, car cela signifie que l'or suit sa propre route, peu importe ce qui se passe. Pas étonnant qu'on la considère comme une valeur refuge. Comme TLT, il est efficace pour faire baisser la volatilité du PF.
  • VNQ (immobilier US) est assez fortement corrélé au marché des actions américaines. Il ne s'agit donc pas d'un candidat idéal pour diversifier un portefeuille. On verra toutefois dans nos prochains articles que l'immobilier peut s'avérer une stratégie intéressante dans certains cas.
  • IEF (bons du trésor US à moyenne maturité) est corrélé négativement à SPY, mais moins que TLT. De plus, il est fortement corrélé à ce dernier. Il est donc moins efficace efficace que TLT pour diversifier et faire baisser la volatilité d'un portefeuille.
  • Les obligations d'entreprise, qu'elles soient de haute qualité (LQD) ou à haut rendement (HYG) sont corrélées de manière notable à SPY (en particulier HYG). Elles n'amènent donc rien en termes de diversification, d'autant que la rentabilité sur le long terme est assez faible.
  • DBC (matières premières) est assez fortement corrélé à SPY et affiche une performance sur le long terme assez catastrophique. À éviter.
  • Les autres métaux précieux (qui ne figurent pas dans le tableau), comme l'argent par exemple (SLV), sont plus corrélés au marché que l'or et corrélés assez fortement à ce dernier, avec une moins bonne rentabilité. À éviter également.
LIRE  Novartis (VTX:NOVN)

Les cryptomonnaies

Les cryptomonnaies, telles que le Bitcoin et l'Ethereum, suscitent un intérêt croissant en raison de leur potentiel de rentabilité très élevé. Tout comme l'or, elles présentent une faible corrélation avec d'autres classes d'actifs, ce qui peut offrir des avantages intéressants pour diversifier un portefeuille. Cependant, leur grande volatilité représente un défi notable. Les fluctuations des prix peuvent être extrêmes, allant de gains impressionnants en très peu de temps à des baisses abruptes.

Un autre aspect à considérer est leur histoire relativement récente, ce qui limite la possibilité de backtesting sur des périodes de marché baissier, comme celles observées dans les années 2000. Cela rend difficile l'évaluation de leur performance dans des conditions défavorables prolongées. Mes propres essais montrent que l'inclusion de cryptomonnaies au sein d'un portefeuille peut parfois améliorer son ratio de Sharpe. Cependant, le résultat varie passablement selon l'allocation d'actifs préexistante.

Les ETFs en cryptomonnaies ont tardé à émerger, surtout aux USA, car ils étaient bloqués par la SEC (Securities and Exchange Commission) jusqu'au début de 2024. Depuis lors, l'offre s'est considérablement étoffée. On trouve, par exemple, IBIT (iShares), qui est coté au Nasdaq. Il affiche un joli volume, avec des frais de gestion très bas.

Compte tenu de la forte volatilité des cryptomonnaies, de leurs effets variables sur les portefeuilles, ainsi que de leurs données historiques limitées, j'ai décidé de ne pas les intégrer à ma sélection d'ETFs de base, qui me servira à constituer et tester les allocations d'actifs.

Small is beautiful

Tout au long de cet article, on a évoqué le biais des ETFs en faveur des grosses entreprises, soit en omettant les plus petites, soit en les sous-pondérant fortement à cause de leur capitalisation. On a aussi parlé des prix Nobel Fama et French qui ont démontré que les actions de petites capitalisations surperforment régulièrement le marché.

Jusqu'ici, on a imité l'industrie des ETFs : on a abordé une grande partie des classes et sous-classes d'actifs, mais on a totalement négligé les petites capitalisations. Il ne pouvait en être autrement : l'offre en la matière est vraiment faible. Plus on descend l'échelle de la capitalisation, moins il y a d'ETFs correspondants. Il y en a à la pelle pour les Big Caps, passablement pour les Mid Caps, un peu pour les Small Caps, presque rien pour les Micro Caps et rien pour les Nano Caps.

Vous allez trouver certes des ETFs comme VTI qui comportent les plus petites entreprises. En soi, c'est déjà un progrès. Mais si vous souhaitez entrer exclusivement sur ce segment particulier via des fonds cotés, la voie risque d'être semée d'embuches.

C'est bien dommage, car à mesure que la capitalisation diminue, la corrélation avec le marché fait de même :

La guerre des portefeuilles : les ETFs

De plus, à mesure que la capitalisation diminue, la rentabilité augmente :

La guerre des portefeuilles : les ETFs
Jan 1972 - Oct 2024

Le tableau ci-dessus met le doigt sur deux facteurs de Fama et French, la capitalisation et la valeur. Il manque malheureusement la distinction "Value" / "Growth" pour les Micro Caps, mais on peut très fortement supposer que le résultat serait cohérent avec les autres sous-indices.

Constats :

  • Plus les entreprises sont petites, plus elles sont rentables, mais aussi volatiles.
  • Malgré une volatilité plus élevée pour les petites entreprises, les ratios rentabilité/risque (Sharpe et Sortino) sont très similaires à ceux des plus grosses entreprises.
  • Les entreprises bon marché par rapport à leurs fondamentaux ("Value") surperforment les autres, en particulier celles de croissance ("Growth").
  • La croissance fonctionne mieux auprès des grosses capitalisations.
  • Les meilleurs résultats en termes de rentabilité et de ratios de Sharpe/Sortino sont obtenus avec les petites entreprises de valeur.

Dès lors, le choix semble être évident. Il faut privilégier les ETFs de Micro Caps de valeur. Toutefois, à ma connaissance, il n'existe que deux ETFs dédié aux Micro Caps et ils ne sont pas dédiés spécifiquement aux titres "Value". Il s'agit de IWC (iShares) et de FDM (First Trust). Si on regarde à l'échelon supérieur on a un peu plus de choix. On trouve ainsi des ETFs liés à des indices de type "Small Cap Value", comme SLYV (SPDR), VBR (Vanguard), IWN (iShares) et IJS (iShares).

Pourtant, l'ensemble de ces ETFs, depuis leur lancement, affichent des résultats assez décevants, qui semblent contredire les conclusions des Nobel Fama et French. Est-ce à dire que cette stratégie ne fonctionne plus ? En vérité, cette anomalie est inhérente au mode de fonctionnement des ETFs, et non pas aux Micro Caps :

  • Les fonds cotés en bourse sont très empruntés pour investir dans les toutes petites entreprises du fait de la masse d'argent qu'ils gèrent. Il leur est difficile d'acheter et vendre à prix correct à cause du manque de liquidité de ces titres. Le montant d’argent qu'ils investissent (ou sortent) impacte directement le marché de plusieurs points de pourcentage. Ceci augmente de façon significative leurs coûts de transaction. Les frais de gestion des ETFs en Micro Caps, IWC et FDM, avec un TER de 0.60%, reflètent directement ce phénomène.
  • La masse sous gestion importante de ces ETFs a une autre conséquence. Non seulement elle impacte les coûts de transaction, mais en plus elle contraint les fonds indiciels à tricher sur la nature des entreprises dans lesquelles elles investissent. L'argent excédentaire est ainsi dilué auprès de sociétés à capitalisation plus importante. IWC comporte de nombreuses small caps et même des mid caps. FDM possède également plusieurs small caps, dont certaines qui sont toutes proches d'être des mid caps. Ces deux ETFs devraient plutôt être considérés comme des fonds de petites (et moyennes) entreprises, qui comportent des micro caps. Les ETFs small cap value ne font pas mieux : ils comportent beaucoup de mid caps, dont certaines à la limite d'être des large caps. Celui de Vanguard (VBR) possède même beaucoup de grosses entreprises !
  • C'est un des écueils que nous avons déjà souligné : les ETFs possèdent un biais en faveur des grosses capitalisations. Depuis leur apparition durant les années '90, la part des Micro Caps dans le marché boursier américain en termes de capitalisation a été divisée par deux, alors qu'elle était déjà faible au départ.
  • Les ETFs sont directement responsables de la surperformance des grosses entreprises vis-à-vis des petites depuis la fin du 20e siècle. Si on allonge l'horizon temporel, l'image est sensiblement différente. Le tableau ci-dessus, qui remonte à 1972, montre clairement un avantage pour les petites capitalisations. Si l'on remonte encore plus loin, jusqu'en 1926, elles ont même surperformé le marché de près de deux points de pourcentage, selon J. Siegel dans "Stocks for the long run".

Bien avant Siegel, le célèbre économiste J. M. Keynes affirmait pourtant : "In the long run, we are all dead". Il n'a pas tort : les investisseurs n'ont pas le temps d'attendre des décennies pour voir leurs actions performer. D'autant que les ETFs, avec leur biais en faveur des grosses capitalisations, ne sont pas prêts de disparaître. La bonne nouvelle c'est qu'il est possible d'obtenir des rendements excédentaires avec des Micro Caps, même depuis l'avènement des ETFs.

La particularité des plus petites entreprises, c'est qu'elles comptent parmi elles énormément d'entreprises non solvables. La sélection naturelle n'a pas eu le temps de faire son oeuvre, contrairement à celles qui sont montées le long de l'échelle de la capitalisation. Mais, si l'on ajoute quelques critères qualitatifs pour les choisir, on obtient des résultats qui penchent nettement en faveur des Micro Caps. Si, de plus, on ajoute encore un critère de valeur, on parvient même à une performance qui se monte à près du double du marché :

La guerre des portefeuilles : les ETFs
Backtest de 2004 à 2024 sur marché US. Critères qualitatifs utilisés : ROE (12 derniers mois)>0, Piotroski score>7, Croissance bénéfices (12 derniers mois)>0. Critère valeur utilisé : P/S inférieur à la médiane de l'industrie.

Par un biais différent, j'arrive ainsi aux mêmes résultats et aux mêmes conclusions que dans mon livre : pour les Micro Caps, il est nécessaire d'investir directement dans des actions pour parvenir à ses fins. Les ETFs ne fonctionnent pas dans ce cas.

Les ETFs momentum

Les ETFs momentum se basent sur des sous-indices en actions particuliers puisqu'ils se focalisent non pas sur une caractéristique de l'entreprise (secteur, région, capitalisation ou fondamentaux), mais sur la variation du cours de leurs actions. Ces ETFs se composent ainsi d'actions qui affichent une dynamique de prix relativement élevée. Pour ce faire, ils sélectionnent celles dont le cours à le plus performé sur une certaine période (p. ex. 6 ou 12 mois, ou même une moyenne des deux périodes). Pour plus d'informations, veuillez consulter mon livre, qui approfondit passablement le sujet.

Est-ce que ça marche ? Pas vraiment.

La guerre des portefeuilles : les ETFs
Backtest du 03.03.2005 au 19.11.2024

Les grosses capitalisations avec momentum (MTUM) et les petites capitalisations avec momentum (XSMO) ne font pas mieux que leur indice de référence (SPY, respectivement IJR). Même si on ajoute le facteur valeur aux small caps momentum (XVSM), le résultat demeure inférieur à IJR. De plus, et sans surprise, ces stratégies sont assez fortement corrélées au marché.

La conclusion est évidente. Les ETFs momentum ne sont d'aucune utilité au sein d'un portefeuille. Ceci peut paraître surprenant car la validité de l'effet momentum avec les actions est appuyé par un nombre très important de recherches académiques. J'en passe en revue un certain nombre dans mon livre.

Le momentum est un puissant catalyseur de rentabilité et c'est encore plus vrai avec les petites entreprises de qualité et valeur. Si j'applique des critères de momentum aux Micro Caps de qualité et valeur que nous avons testées dans l'avant-dernier tableau, on fait passer la performance annuelle moyenne de 16.15% à 18.75%. Ces résultats sont d'ailleurs parfaitement en ligne avec ceux que j'ai obtenus dans mon ouvrage, avec des backtests qui remontent encore plus loin.

Cela signifie que le momentum est une stratégie qui fonctionne, mais que pour cela, il faut une nouvelle fois transiger directement des actions. J'ai émis plusieurs hypothèses sur la raison de la sous-performance des ETFs momentum (frais, liquidité, impact sur le marché, etc.), mais aucune ne tient la route.

J'en reste avec cette dernière réflexion : tous les ETFs sont conçus autour de la notion de momentum. Les titres qui entrent dans un indice le font parce que leur capitalisation et donc leur cours a fortement progressé. À l'inverse ils en sortent lorsque le cours a nettement diminué. En fait, le succès des ETFs et de la gestion indicielle est la meilleure preuve que le momentum est une stratégie qui fonctionne. Un ETF "momentum" est donc un pléonasme. Il est d'ailleurs cocasse que certains investisseurs soient réfractaires d'investir dans des actions à momentum, alors qu'ils n'hésitent pas à avoir recours aux ETFs.

Comment choisir ses ETFs

On a vu qu'il y avait énormément de choix parmi les ETFs et qu'il était facile de s'y perdre. La bonne nouvelle, comme on l'a aussi évoqué, c'est qu'ils finissent tous par se ressembler. On peut même s'en tenir à quelques ETFs basiques. Dans la plupart du temps, il s'agit des plus connus, liquides et anciens sur le marché.

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La liquidité

Contrairement aux actions, pour lesquelles j'affectionne souvent un brin d'illiquidité, pour les ETFs je privilégie la liquidité. Le volume d'un ETF, c'est même le critère qui passe en premier à mes yeux. Un gros volume signifie un spread minime et rime très souvent avec un TER particulièrement bas. Les plus liquides d'entre eux affichent un spread si bas qu'il est inutile d'utiliser un ordre limite (à moins qu'on ne vise un objectif de cours). On peut passer un ordre au marché les yeux fermés.

Les frais de gestion (TER)

Le TER n'est-il pas plus important que la liquidité ? En théorie, les frais liés au fonds devraient représenter un critère essentiel dans le choix d'un ETF évidemment. Plus ils sont élevés, plus la performance du fonds est susceptible d'en pâtir. Pourtant, de nos jours, la plupart des ETFs affichent des TER inférieurs à 0.5%. La différence entre eux est à ce point minime, qu'elle a une incidence marginale sur les résultats. D'autant que le maigre avantage peut vite être perdu si le spread lors des transactions est élevé. Même si vous pratiquez du buy & hold, vous devez rééquilibrer votre portefeuille au moins une fois par an.

Prenons pour exemple les quatre ETFs suivants, avec leur TER :

  • SGLD (Londres) : 0.12%
  • IAU (USA) : 0.25%
  • GLD (USA) : 0.40%
  • CSGOLD (Suisse) : 0.19%

Ils sont tous basés sur l'or et cotés en dollars US. Dans le graphique ci-dessous, malgré des frais différents, il est pratiquement impossible de distinguer les quatre courbes.

La guerre des portefeuilles : les ETFs

Même si on ne le voit pas bien, CSGOLD finit avec une très légère avance. Toutefois, comme il affiche un spread bien plus élevé que les trois autres, c'est pourtant le moins intéressant de tous, même pour du buy & hold. À l'inverse, GLD termine avec un très léger retard, ce qui peut s'expliquer du fait de son TER un peu plus élevé. Mais il compense ceci avec un volume énorme et donc un spread insignifiant.

Cet exemple illustre bien à quel point le TER, lorsqu'il se situe à un taux raisonnable, peut avoir un impact marginal sur la performance d'un ETF. Il vaut mieux se focaliser sur le volume d'échange, qui assure la liquidité, de faibles spreads et qui rime de toute façon la plupart du temps avec un TER peu élevé. L'inverse a contrario n'est souvent pas vrai, surtout sur en dehors des grosses places financières.

Où acheter des ETFS

Les ETFs les plus liquides se trouvent très clairement aux Etats-Unis. Ils affichent également des frais dérisoires pour la plupart d'entre eux. Le choix est d'ailleurs énorme. On y trouve toutes les classes et sous-classes d'actifs, avec diverses stratégies de gestion, différents effets de levier, etc.

Toutefois, pour les investisseurs européens, et dans une moindre mesures helvétiques, il peut être compliqué d'y accéder, d'autant qu'ils peuvent aussi engendrer des questions fiscales.

Le protectionnisme européen

Le premier frein aux ETFs US est règlementaire. L'UE empêche depuis quelques années des produits à être négociés sur le marché si le document des informations clés de l'ETF ("KIID") n'est pas rédigé dans une langue approuvée du pays. À l'heure des traducteurs en ligne boostés à l'intelligence artficielle, cela peut faire sourire. Cette directive est supposés protéger les investisseurs (j'adore le côté maternel de l'UE). C'est surtout une grosse mesure protectionniste pour mettre en avant les ETFs européens, qui peinent à tenir pour la plupart la comparaison avec leurs homologues américains.

Hélas, la Suisse s'est alignée en grande partie sur cette directive. Heureusement, on peut encore y trader des ETFs américains en passant par Interactive Brokers, Charles Schwab ou Saxo Bank. L'autre possibilité, c'est d'acheter des ETFs européens ou suisses. On va passer en revue un peu plus bas les choix qui existent en la matière.

Le fisc américain

Le deuxième blocage aux ETFs US peut être fiscal, du moins en théorie. D'abord parce que les dividendes pourraient être taxés à double, par les USA et le pays de résidence. De plus, le fisc américain pourrait retenir, au cas où vous décédiez, 40% de la valeur des actifs US qui dépassent 60'000 dollars, même si ceux-ci étaient déposés auprès d'un établissement financier hors USA. Je mets tout cela au conditionnel exprès parce que c'est un risque hypothétique.

Il existe heureusement des conventions de double imposition entre les USA et la plupart des autres pays qui évitent ce genre de problème. Celle pour la Suisse, règle le problème des dividendes et des successions, à moins que vous ne possédiez une fortune qui va bien au-delà de ce qui est nécessaire pour être financièrement indépendant.

Cela dépend des situations, mais on parle là de près de dix millions de dollars, sauf si la part de titres US de votre fortune est faible (mais dans ce cas le risque fiscal l'est aussi). Je ne connais pas la convention entre la France et les USA, mais il y a des chances pour qu'elle règle aussi ces deux points (dividendes et succession). À vérifier le cas échéant.

En théorie toujours, il pourrait y avoir des démarches administratives à effectuer par vos héritiers auprès de l'IRS (fisc US), afin de bénéficier de la convention de double imposition et éviter la taxe US de 40%. Des formulaires, en anglais devraient être complétés et fournis avec de nombreuses annexes, relatives à la fortune. Cela pourrait être relativement fastidieux pour une personne peu à l'aise avec l'anglais et les placements financiers. Toutefois, des cabinets d'experts comptables d'envergure internationale (comme pwc), sont armés pour le faire. Il suffit d'informer vos descendants. Cela coûte quelques milliers de francs, mais ce n'est rien en regard des taxes qui seraient prélevées.

Encore une fois, je mets tout cela au conditionnel, parce que le risque que votre banque ou broker informe l'IRS est minime. Si vous leur posez la question, la plupart botteront en touche en vous disant qu'ils ne peuvent pas vous renseigner et qu'il faut regarder avec votre fiduciaire. Ils se couvrent. Mais selon plusieurs sources, ils n'informent pas l'IRS. Ce serait même le cas chez Interactive Brokers.

On le voit, le risque fiscal est minime, pour ne pas dire inexistant. Si malgré tout il est bloquant pour vous, vous pouvez toujours vous rabattre sur les ETFs de substitution ayant un domicile européen ou suisse.

Les ETFs de substitution

Si vous ne pouvez pas négocier d'ETF US à cause du protectionnisme européen ou si vous avez des craintes malgré tout au niveau de la fiscalité, vous pouvez vous rabattre sur un ETF de substitution domicilé en Europe ou en Suisse. Heureusement, on trouve assez facilement des correspondances sous nos contrées. Il y a moins de liquidité et moins de choix, mais comme je l'ai dit plus haut, on peut s'en tenir à quelques basiques, vu que les ETFs ont une fâcheuse tendance à finir par se ressembler.

Il faut différencier la bourse d'échange de l'ETF et son domicile. Parfois c'est le même pays, mais souvent c'est différent. On peut trouver des ETFs domicilés dans notre pays de résidence et qui y sont aussi cotés. Toutefois, le choix est la plupart du temps maigre et le volume également. C'est même le cas en Suisse, pays soit-disant de la finance.

Il faut donc se tourner vers un autre petit pays, l'Irlande, qui a tout compris en matière d'ETFs, grâce à des conventions fiscales spéciales avec les USA, qui lui ont permis de développer leur industrie fiancière à tel point qu'aujourd'hui les trois quarts d'ETFs européens y sont domiciliés. Il y a donc du choix, en particulier avec les iShares de BlackRock. De plus ces ETFs "irlandais" sont cotés sur les différentes places boursières européennes (même en Suisse).

Ce dernier point constitue certes un avantage, mais il représente un nouveau critère de choix. Sur quel marché acheter un ETF de substitution ? Pour y voir plus clair, j'ai constitué ci-dessous un tableau qui nous permet de comparer les ETFs en fonction de leur émetteur et de la place boursière sur laquelle ils sont cotés.

Le critère décisif, comme je l'ai mentionné plus haut, c'est le volume. Plus celui-ci est important, plus la liquidité est assurée, moins le spread est élevé. En principe, le TER des titres très liquides est peu élevé. J'ai ajouté une colonne pour s'en assurer, le but étant qu'il soit inférieur à 0.5%, mais ce n'est pas un critère décisif (cf. exemple avec l'or).

Pour les ETFs qui sont cotés sur différentes places, j'ai choisi systématiquement celle où l'ETF est le plus liquide, afin de ne pas surcharger le tableau. Il en va de même lorsque l'ETF était disponible en stratégie d'accumulation ou de distribution.

Concernant les classes d'actifs représentées, j'ai sélectionné celles qui nous seront les plus utiles dans la constitution d'un portefeuille, en fonction de nos réflexions ci-dessus. Nous y reviendrons dans nos prochains articles. J'ai laissé VT à titre indicatif, même si comme nous l'avons vu, il est préférable d'utiliser SPY (ou VTI) à la place.

On a évoqué aussi l'immobilier qui pouvait être intéressant dans certaines situations. Je n'y fais toutefois pas référence ci-dessous. On y reviendra dans les prochains articles.

La guerre des portefeuilles : les ETFs

Notes concernant le tableau :

  • Il n'y a pas d'équivalent sur le marché européen pour VTI. On a déjà évoqué plusieurs fois sa ressemblance avec SPY (et donc CSPX.L). C'est donc loin d'être un problème.
  • Concernant les actions mondiales ("Global Stock") : IWDA diffère légèrement des autres ETFs figurant sur la même ligne, bien qu'il affiche une corrélation presque parfaite avec VT (0.98). En effet, comme déjà évoqué plus haut, il comporte uniquement les marchés développés, contrairement à ses homologues qui tiennent également compte des marchés émergents. C'est plutôt une bonne chose, vu que ces derniers ont tendance à sous-performer.

Constats :

  • Les volumes sur les ETFs US figurent à des années lumières des meilleurs subsituts européens ou suisses. Il n'y a aucune comparaison possible.
  • Londres est très clairement la meilleure place de marché pour transiger les ETFs substituts. Les volumes de certaines autres places, qui ne figurent pas dans la comparaison, fait presque peur.
  • Du point de vue du choix et du volume des ETFs substituts, iShares est loin devant. Vanguard propose très peu d'instruments, avec des volumes assez modestes par rapport à iShares. Invesco offre un peu plus de choix, mais les volumes sont assez dérisoires.

Très clairement, si on a le choix, il faut privilégier les ETFs américains. Sinon, on peut se rabattre sur les iShares de BlackRock domiciliés en Irlande.

Conclusion

Il était essentiel de prendre le temps d'examiner ces ETFs, car un assemblage de qualité ne peut être réalisé que si les composants sont de premier choix et compatibles entre eux. Une évaluation minutieuse garantit que chaque élément contribue positivement à la performance globale du portefeuille.

Parmi l'ensemble des ETFs que nous avons abordés, il n'en reste donc qu'une poignée qui sont pertinents pour constituer des portefeuilles :

  • pour les actions US
    • ensemble du marché : SPY, VTI ou CSPX.L
    • OU des ETFs sectoriels tels que XLV (ou IUHC.L), VDC (ou IUCS.L) et QQQ (ou CNDX.L)
  • pour les bons du trésor à longue maturité : TLT ou DTLA.L
  • pour l'or : GLD, IAU ou SGLD.L
  • pour le marché des actions domestiques, par exemple suisses : EWL ou CHSPI.SW
  • pour les Micro Caps : pas d'ETF (actions en direct)

Voici notre palette de base, à partir de laquelle nous composerons nos portefeuilles et avec laquelle nous effectuerons nos tests rétroactifs. Cela ne signifie pas que nous utiliserons tous ces éléments à chaque occasion, ni que nous n'aurons pas recours, par moments, à d'autres ETFs.

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