Qu’est-ce qui fonctionne à Paris : le Price-Earnings Ratio

Dans notre précédent article, nous avons vu que le PER fonctionnait toujours bien en Suisse pour prédire la rentabilité future des actions. Plus il est bas, plus les titres ont tendance à sur-performer par rapport au marché. Qu'en est-il à la bourse de Paris ?

Nous allons utiliser les mêmes paramètres que dans mon dernier post, mais en les appliquant cette fois au marché français. Si ce n'est pas déjà fait, je vous conseille de jeter un coup d'oeil à ma dernière analyse, si vous voulez plus d'infos sur la méthode utilisée ou tout simplement si vous ne savez pas ce qu'est un PER. Je vais garder le CHF comme monnaie de référence, afin que l'on puisse comparer la rentabilité entre les deux marchés nationaux, mais ça n'a aucune incidence sur les résultats liés au PER.

Marché global

Rentabilité annuelle en % par quintile depuis 2004 (en CHF)

La situation est un peu moins propre que sur le marché helvétique. Les titres les plus performants ne sont en effet pas ceux avec le plus petit PER, mais ceux du quintile précédent. Cela sent à plein gaz le piège de valeur (Value Trap). Cela se produit lorsqu'on a affaire à des entreprises de piètre qualité. Elles s'échangent très bon marché du point de vue de leurs bénéfices, parce que personne n'en vaut, pour de bonnes raisons. En fouillant un peu je suis tombé sur quelques moutons noirs comme Air France-KLM et Solocal Group :

blank

Les bouillons ramassés en bourse par ces titres au rabais ont fortement pénalisé la performance du 5e quintile. Cela étant dit, malgré cela, l'enseignement reste grosso-modo valable : les PER les plus faibles (4e et 5e quintile) réussissent généralement mieux que les autres.

On remarque également que les résultats sont moins bons pour l'ensemble des déciles que sur le marché suisse. C'est logique vu que le titres français n'ont progressé que de 3.66% par an (en CHF) contre 8.47% en Suisse. Le 1er quintile a même été catastrophique avec une rentabilité annuelle moyenne négative de -2% durant 20 ans !

Malgré les pièges de valeur précités, le dernier quintile affiche une rentabilité annuelle de 6.84%. Si on compare par rapport au marché suisse (11.36%), c'est assez mauvais. En revanche, par rapport au marché français, c'est très bon. Cela représente presque le double de la rentabilité du marché.

Cette stratégie a bien fonctionné sur ces vingt dernières années, même si elle fait un peu de surplace depuis 2018 (en CHF). Il faut dire que durant la même période, les actions les plus chères se sont carrément effondrées.

5e quintile (PER le plus bas), 1er quintile (PER le plus élevé) et marché français (en noir)

blank

Comparaison avec les pairs

Pour le marché suisse, la comparaison au sein des industries avait donné des résultats à prendre avec quelques pincettes, du fait de la taille des échantillons. Ici, c'est plus cohérent, avec une image qui est assez proche du marché global. La différence vient surtout du 1er quintile, qui passe en territoire positif. Les 3 quintiles suivants sont également plus performants que dans le 1er graphique, alors que le dernier est presque identique. La stratégie PER vis-à-vis des pairs n'amène donc aucune plus-value. Au contraire, elle différencie moins bien les quintiles extrêmes.

PER au sein des industries : rentabilité annuelle en % par quintile depuis 2004 (en CHF)

blank

Big et Mid-Caps

Qu'en est-il si on se focalise sur les entreprises de grosse et moyenne capitalisation ? Autant le dire tout de suite, c'est un joyeux bordel. On n'y trouve aucune tendance. Les titres qui ont le plus performé se situent aux extrêmes de la valorisation. Donc, parmi les grosses et moyennes capitalisations françaises, ce qui marche, c'est soit la croissance (PER élevé), soit la valeur (PER faible). Au milieu, c'est un no man's land. Pire, durant la dernière décennie, le 1er et dernier quintile ne font même pas mieux que le marché, seul le deuxième quintile s'en sort bien.

Rentabilité annuelle en % par quintile depuis 2004 (en CHF)

blank

On a vu sur le marché suisse que la taille des échantillons expliquait certaines valeurs aberrantes. Ici, on a quand même deux fois plus de monde au sein de chaque quantile. Cela peut avoir une influence, mais ça n'explique pas tout. Dans tous les cas, il est très difficile de se baser sur le PER pour prendre des décisions d'investissement à propos des Big et Mid Caps françaises.

5e quintile (PER le plus bas), 1er quintile (PER le plus élevé) et Big/Mid Caps françaises (en noir)

blank

Small, Micro et Nano-Caps

Comme pour la Suisse, on a un résultat beaucoup plus intéressant avec les plus petites entreprises. L'écart entre les quintiles inférieur et supérieur est encore plus marqué que sur le marché global. Logique, vu qu'on a ôté les Big et Mid-Caps qui polluaient le résultat. Certes, on a toujours notre piège de valeur au 5e quintile, mais une tendance claire se dessine entre les titres les plus chers et les moins chers du point de vue de leurs bénéfices.

Rentabilité annuelle en % par quintile depuis 2004 (en CHF)

blank

Ces dix dernières années, le 5e quintile a encore marqué la différence par rapport au marché et surtout par rapport au 1er quintile, qui s'est écroulé.

5e quintile (PER le plus bas), 1er quintile (PER le plus élevé) et Small/Micro/Nano Caps françaises (en noir)

blank

Conclusion

En France, comme en Suisse, une simple stratégie consistant chaque année à acheter les titres qui se transigent le meilleur marché par rapport à leurs bénéfices (PER), fonctionne encore et toujours. À Paris, contrairement à Zurich, nous avons vu toutefois que le quintile comprenant les titres avec les plus faibles PER, était particulièrement chahuté par les pièges de valeur. Nous verrons, quand nous parlerons des ratios qualitatifs, comment s'en prémunir.

Nous avons vu que pour les grosses et moyennes capitalisations, il est difficile de se baser sur le PER pour prendre des décisions. A contrario, pour les plus petites capitalisations, le PER s'avère beaucoup plus efficace. C'est un peu paradoxal, car la logique voudrait que les grosses sociétés, plus suivies et contrôlées, soient moins sujettes aux magouilles comptables, a contrario des petites.

Peut-être faut-il simplement y voir le fait que les grosses entreprises de croissance ont eu particulièrement le vent en poupe ces dernières décennies. Ou alors que la présence massive des institutionnels empêche toute forme de stratégie basée sur la valeur. C'est sans doute un peu des deux.

Dans les prochains articles, je vais continuer à backtester parmi les ratios de valorisation. Je pensais jeter mon dévolu sur quelque chose dont j'ai déjà dû vous parler quelques fois... le rendement en dividendes.  À moins que vous n'ayiez une autre idée ?

_____________________
Qu'est-ce qui fait qu'on devient riche et financièrement indépendant ?
Recevez ma newsletter gratuite.
_____________________

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *