L'action Total se négocie à la bourse de Paris sous la cote "FP". Total est une entreprise pétrolière et gazière française dont les origines remontent à 1924 et qui compte plus de 100'000 employés. Elle figure à la cinquième place des six supermajors, les plus grosses entreprises du secteur au niveau mondial.
Valorisation de l’action Total
Le géant français ayant essuyé des pertes en 2020 à cause du virus chinois, nous allons mettre de côté expressément les ratios de valorisation basé exclusivement sur le bénéfice de l'année dernière. Actuellement l'action se négocie ainsi à :
- 16.34 fois les bénéfices récurrents moyens : correct
- 0.98 fois la valeur comptable : bon marché
- 1.45 fois les actifs tangibles : bon marché
- 25.24 fois le free cash flow du dernier exercice : cher, mais s'explique par le Covid
- 15.71 le free cash flow moyen : correct
Jusque-là, l'action semble assez bon marché. En considérant l'évolution du cours négative de ces dernières années, on se dit que c'est cohérent.
Dividende de l’action Total
En s'attardant sur le dividende, on ne peut être que conforté dans son choix, puisque celui-ci offre un rendement très alléchant de 6.7% ! L'entreprise n'a pas hésité à l'augmenter, malgré les mauvais résultats de l'année dernière, se déclarant "confiante dans les fondamentaux du groupe". Le dividende a ainsi progressé de plus de 4% par an sur ces cinq dernières années.
Toutefois, à y regarder de plus près, malgré l'optimisme des dirigeants, tout n'est pas si rose. Le degré de couverture du dividende par les résultats soulève quelques sérieuses inquiétudes, puisqu'il représente :
- 203% du free cash flow courant (qui s'explique certes à cause du virus)
- 140% du bénéfice moyen de ces cinq dernières années
- 130% du free cash flow moyen
Il n'y a pas de miracle. Un rendement en dividende très élevé est presque toujours synonyme d'un ratio de distribution problématique.
Résultats et liquidités
Si les bénéfices, le dividende, les réserves de cash et la valeur des actifs de Total grimpent sur le long terme, on constate cependant que le géant français a déjà connu un tassement de son bénéfice net en 2019, avant de passer dans le rouge l'année dernière. Ceci explique entre autres la baisse du cours de l'action depuis 2018, soit bien avant la chute liée au coronavirus.
Malgré ceci, les liquidités sont suffisantes, avec un current ratio de 1.23 (en hausse) et un quick ratio de 1.
Profitabilité et rentabilité
La marge brute est bonne, avec 36.5% (en hausse là aussi). La marge de free cash flow est plus problématique, avec 3.3%, mais s'explique par le contexte sanitaire. Idem pour le CFROA, avec 5.5%.
Endettement
Total estime avoir une "bonne solidité financière". Le taux d'endettement à long terme par rapport aux actifs est tout de même de 22% (en forte hausse par rapport à l'exercice précédent). Il est vrai que la totalité de la dette se monte à 0.73 fois les fonds propres, ce qui est encore acceptable. Toutefois, l'entreprise française aurait besoin de douze ans pour l'amortir en ayant recours à son free cash flow, ce qui est beaucoup trop.
Nous avions vu que la valorisation de l'action semblait a priori assez bon marché. Voyons ce qu'il en est lorsqu'on compare ses fondamentaux non pas au cours (la capitalisation) mais à la valeur d'entreprise, qui tient justement compte de l'endettement :
- Ratio EV / FCF courant : 36.22 => très cher (mais s'explique en partie par le virus)
- Ratio EV / FCF moyen : 23.22 => cher
Voilà qui change passablement la donne et qui confirme la mise en garde déjà apportée par le ratio de distribution du dividende.
Retour pour l’actionnaire
Total a quand même réussi à engendrer, grâce au remboursement de sa dette nette, un rendement moyen annuel pour l'actionnaire de 4.5% sur ces cinq dernières années. Ceci est toutefois à relativiser, car dans le même temps l'entreprise a émis des actions, représentant un rendement annuel moyen négatif pour l'actionnaire de -1.73%. Au total, entre le dividende, le remboursement de la dette nette et l'émission d'actions, le retour annuel moyen pour l'actionnaire se monte à un assez impressionnant 10.4%. Attention tout de même, car comme nous l'avons vu pour le dividende, l'entreprise a utilisé 165% de son FCF pour financer ces opérations. Il y a fort à parier qu'à l'avenir Total ne pourra plus être aussi généreuse pour ses propriétaires.
Risques liés à l’action Total
La volatilité du titre FP sur ces derniers douze mois est acceptable, avec 32%. Le bêta se situe au niveau du marché, avec 1. C'est plus au point de vue des fondamentaux que ça pêche, contrairement à ce qu'affirme l'entreprise. Le Z-Score (Altman) est dans la zone rouge, à 0.8, tandis que le F-Score (Piotroski) n'est que de 4. En résumé, l'entreprise est financièrement peu solide et le titre susceptible de sous-performer à l'avenir. Le Z-Score nous suggère même que l'entreprise pourrait faire faillite. Évidemment, ça, c'était dû temps de nos ancêtres, lorsque les faillites existaient encore. De nos jours avec la politique des taux zéros et des banques centrales qui rachètent tout, Total a encore de beaux jours devant elle.
En bref
Contrairement à ce que pourrait laisser croire une analyse en surface du géant français, en s'arrêtant uniquement sur la variation du cours ou le dividende incroyablement généreux, l'action est tout sauf une opportunité. Relevons que les institutionnels s'y bousculent (malgré leurs bonnes intentions de greenwashing), avec notamment : T. Rowe, BlackRock, Lyxor, Amundi, Vanguard, Norges Bank, BNP Paribas. J'imagine que ça chahutera passablement quand un de ceux-ci appuiera sur le bouton rouge...
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Merci Jérôme pour cette nouvelle analyse, avec une approche rigoureuse et sans concession. C’est toujours un plaisir de lire tes analyses.
S’agissant de Total, je pense qu’il serait intéressant de compléter l’analyse par une approche moins objective que celle basée sur les chiffres du bilan et des comptes de pertes et profits, soit par une réflexion sur le marché des produits pétroliers, et donc la demande et l’offre en la matière. Certes, cet exercice est difficile et quelque peu aléatoire, car il nécessite de connaître les réserves mondiales, les capacités de production mondiales, la vitesse à laquelle des changements dans la consommation d’énergie va s’effectuer, sans compter que tout cela dépend aussi de facteurs politiques. Pour bien faire, il faudrait aussi savoir comment se situe Total par rapport à ses concurrents (qui a quelles réserves [quantité] sous contrat, qui a les coûts de production, [extraction, transformation, transport] les moins élevés [qualité], et donc un avantage compétitif [l’extraction dans les sables moyen-orientaux est moins cher qu’en mer du Nord par exemple], qui est présent à la vente sur quels marchés [la demande ne va pas évoluer uniformément dans le monde entier), etc. Et quels sont les investissements « alternatifs » de Total pour viser une diversification.
Aujourd’hui, on constate que le prix des produits pétroliers est à la hausse après le « coronakrach » de mars 2020 (tout en étant encore bien loin des sommets d’avant le krach de 2008 et de la période 2010-2014; à noter que le prix du baril a décollé assez fort vers l’année 2000, après des années 90 à des niveaux relativement stables et bas). Cela devrait être favorable à Total, pour l’exercice 2021 en tous les cas.
De manière générale, on assiste actuellement à une hausse importante du prix des matières premières.
Salut Laurent
merci pour ton commentaire.
« il serait intéressant de compléter l’analyse par une approche moins objective que celle basée sur les chiffres du bilan et des comptes de pertes et profits, soit par une réflexion sur le marché des produits pétroliers, et donc la demande et l’offre en la matière… »
Je ne fais précisément jamais ce genre d’analyse. On rentre là dans le domaine projections et conjectures. À ce petit jeu, rares sont ceux qui tombent juste, et comme le dit l’adage, même une horloge en panne donne l’heure juste deux fois par jour. Je préfère me baser sur ce qui est connu et bien réel. Cela évite les mauvaises surprises.
Cette analyse ne vaut pas grand chose vu qu’elle se base sur les chiffres de 2020, qui ont été très affectés par le « virus chinois » (encore une autre ineptie de cet article) et surtout par la stupidité endémique des gouvernements de l’OCDE (un virus bien « occidental » celui-ci).
Le dividende est assuré, selon les dirigeants, avec un baril à 26$, donc rien d’inquiètant.
Certes la dette (i.e., l’investissement) pèse, mais cela doit être comparer aux autres majors et surtout analyser selon le secteur (evidemment très coûteux en CAPEX) et aux yeux de la politique d’investissement et de développement de la société qui est en pleine mutation.
« Cette analyse ne vaut pas grand chose vu qu’elle se base sur les chiffres de 2020, qui ont été très affectés par le « virus chinois » (encore une autre ineptie de cet article) »
Comme je l’ai mentionné plusieurs fois dans l’article justement, j’ai précisément indiqué ce qui relevait du structurel ou du conjoncturel (et donc du virus – dont personne ne s’offusque que les variants s’appellent anglais, indien ou brésilien).
« virus chinois » (encore une autre ineptie de cet article)
quelle ineptie ? le virus vient de chine => virus chinois, n’ayant peur ni des mots, ni de la réalité, ni des chinois ^^
Merci Jérome pour l’analyse, je suis perso actionnaire de Total 😀
Merci Psycoke 😉
En voilà un qui ferait mieux d’acheter et lire ATTENTIVEMENT le livre de Jérôme. C’est toujours bien de chercher à avoir des avis contraires, on se rend ainsi compte de la qualité des articles de ce site et la mine de connaissances partagée!
Un grand MERCI dividendes.ch !
Merci AGU, ça me touche. 😉
« Cette analyse ne vaut pas grand chose… »
Mon point de vue: cette analyse est d’une justesse et d’une transparence incroyables, en bref une analyse comme on n’en verra jamais de la part d’une banque.
Par contre, si quelque chose ne vaut pas grand chose, c’est effectivement l’action Total.
A bon entendeur, salut.
J’ai toujours aimé ton grand respect pour les banquiers Dividinde 🙂
Si tu savais en détails ce que je pense des politiciens, je t’assure que les banquiers apparaîtraient à côté comme de vrais anges 🙂
Pareil pour moi. Lors d’une fin de soirée bien arrosée je me suis même pris de bec avec l’un d’entre eux 😉
Je suis tombé hier sur une analyse récente de Total par Hiboo:
https://www.youtube.com/watch?v=Bd85A2Rp52I
L’approche est assez différente de celle de Jérôme, car pas exclusivement comptable. Hiboo prend également en compte des éléments subjectifs.