Journal d’un futur rentier (63)

Cette publication est la partie 62 de 86 dans la série Journal d'un futur rentier.

La Rat Race ne finira jamais de m’impressionner. Le monde capitaliste possède des ressources inépuisables et insoupçonnées pour conditionner nos vies, aspirer nos revenus et nous faire travailler. J’en ai récemment eu trois exemples que j’aimerais partager avec vous.

Il y a quelques semaines, j’ai invitĂ© une Ă©quipe d’amis Ă  venir manger Ă  la maison. Quelques jours avant le repas, une nana me dit qu’elle s’est convertie « vegan » depuis peu et me demande si elle peut amener sa nourriture avec elle, sachant que je suis un carnassier de la première heure. Aucun problème pour moi, je lui propose mĂªme de cuisiner quelque chose spĂ©cialement pour elle, mais elle prĂ©fère venir avec « ses produits ». Le jour en question elle sort d’un sac, provenant de toute Ă©vidence d’un de nos gĂ©ants suisses de la distribution, une espèce de pseudo steak hachĂ© emballĂ© sous plastique. Je le passe Ă  la poĂªle, me demandant comment on cuit un steak sans viande, le concept mĂªme de « saignant » Ă©tant totalement hors de propos ici. Je m’interroge surtout Ă  propos de ce qu’il y a dedans. Comme je m’y connais un peu en matière de cuisine et de nutrition, je suis dĂ©jĂ  en train de me faire une petite image mentale amusĂ©e des indications Ă©crites en petit au dos de l’emballage, que j’ai ignorĂ© et mis dans ma poubelle, par politesse vis-Ă -vis de mon invitĂ©e. Pas vraiment zĂ©ro dĂ©chets non plus son histoire. Le repas terminĂ© et les convives partis, je me jette sur les ordures Ă  la recherche de l’objet suscitant toute ma curiositĂ©. Pas manquĂ©. BourrĂ© de saloperies genre amidon de maĂ¯s modifiĂ© E 1442, Ă©paississant E 461, arĂ´mes divers… Plus Ă©tonnant encore : sucre et jus d’orange ! Au final la teneur en protĂ©ines est faible relativement Ă  la viande (14g/100), avec une proportion de glucides presque aussi importante. Sans compter que cette m... se vend presqu’au mĂªme prix qu’un vrai steak hachĂ©. Bref, le vĂ©ganisme, Ă  l’origine un mouvement supposĂ© nous faire manger plus sain et Ă  moindre coĂ»t, a Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ© par les industriels pour nous faire manger encore moins bien tout en y mettant le prix. Qu’on se comprenne bien, mĂªme si j’adore la viande, je ne critique pas cette manière de vivre. Chacun mange ce qu’il veut. Ce que je montre du doigt c’est comment le capitalisme arrive Ă  transformer un risque en une opportunitĂ© et comment la plupart d’entre nous, simples consommateurs, tombons dans le panneau.

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Dans le mĂªme genre, j’ai vu un reportage rĂ©cemment Ă  la TV qui disait que les ventes de gourdes Ă©taient actuellement en train d’exploser. Surfant sur la vague du « zĂ©ro dĂ©chet », les industriels se sont mis Ă  produire des rĂ©cipients de toutes les formes, de toutes les matières et de toutes les couleurs possibles et imaginables, avec des motifs pour tous les goĂ»ts. Ceci a Ă©tĂ© repris par des « stars » qui se montrent avec « leur » gourde, celle-ci devenant bien malgrĂ© elle un objet de mode. Alors oui, bien sĂ»r, c’est mieux de remplir sa gourde avec l’eau du robinet et de la rĂ©utiliser durant de très nombreuses annĂ©es, plutĂ´t que d’acheter des bouteilles en PET. Ceci Ă©tant dit, vu la tournure des Ă©vĂ©nements, j’aurais plutĂ´t tendance Ă  croire que le remède dans ce cas est pire que le mal. Tout porte en effet Ă  croire que ces gourdes, façonnĂ©es dans un plastique dur ou mĂªme en mĂ©tal, finiront dans la poubelle dans quelques mois, lorsque leurs couleurs et motifs seront dĂ©fraĂ®chis ou tout simplement passĂ©s de mode. Je vois d’ici lĂ  les gosses dans les rayons suppliant leurs parents d’acheter la dernière « PokĂ©mon » ou « Paw Patrouille »… On se retrouve donc avec une situation quasi identique au vĂ©ganisme, avec un monde capitaliste qui parvient Ă  faire de nouveaux profits Ă  partir d’une menace a priori, tout en pĂ©jorant encore la situation, avec la bĂ©nĂ©diction des consommateurs. Je me rĂ©jouis d’ores et dĂ©jĂ  des nouveaux dĂ©bats dans quelques annĂ©es autour de la pollution engendrĂ©e par ces gourdes, suivis par des nouveaux remèdes proposĂ©s par les industriels et de la rĂ©action immĂ©diate des moutons de la consommation.

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Le dernier exemple est un peu diffĂ©rent mais donne encore plus Ă  rĂ©flĂ©chir. Il y a quelques soirĂ©es en arrière je suis tombĂ© sur un documentaire « santĂ© » qui avait pour sujet la peau. Partant du constat que le savon avait une fĂ¢cheuse tendance Ă  la dessĂ©cher, un individu s’est douchĂ© pendant une semaine juste Ă  l’eau. Un contrĂ´le par une dermato a Ă©tĂ© effectuĂ© avant et après. Le verdict fut sans appel : amĂ©lioration nette de l’état de la peau, moins sèche, moins de boutons, de rougeurs et de dĂ©mangeaisons. Au niveau des odeurs, passĂ© les premiers jours d’adaptation, aucune diffĂ©rence. Autrement dit le savon (et les Ă©ventuelles lotions/crèmes pour hydrater la peau du dessèchement qu’il provoque) peuvent tout simplement Ăªtre mis Ă  la poubelle. Ok, me direz-vous, qu’’est-ce que ce cours de cosmĂ©tique vient faire ici ? C’est simple. Nos parents nous savonnent pour la première fois dans les 24h qui suivent notre naissance. Juste après le Pampers, c’est le premier bien de consommation qu’on nous impose. Contrairement au premier, celui-ci va continuer Ă  nous accompagner toute notre vie d’adulte (on retrouve le Pampers bien plus tard, mais ça c’est une autre histoire). Nous sommes conditionnĂ©s Ă  nous laver avec, Ă  tel point qu’il devient juste inconcevable de voir les choses autrement. Si vous n’avez jamais lu le mythe de la caverne, je vous encourage Ă  le faire, parce que lĂ , Ă  travers ce tout petit exemple, toute l’humanitĂ© baigne dedans. Quelle aubaine pour Procter & Gamble ou Unilever. Imaginez que nous nous libĂ©rions tous de cette petite chaĂ®ne, du jour au lendemain. Cela pourrait se faire d’un simple claquement de doigt, un petit tweet qui fait le buzz, et plus personne qui ne se savonne. Je n’ose pas imaginer la gueule des dirigeants des deux entreprises prĂ©citĂ©es. A coup sĂ»r les dividendes ne seraient pas versĂ©s l’annĂ©e suivante !

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5 rĂ©flexions sur “Journal d’un futur rentier (63)”

  1. Bien vu. HĂ© oui, les marketeurs et entreprises ont pour raison d’Ăªtre d’avoir des clients pour leur vendre des choses ou des services, quels qu’ils soient, de manière Ă  dĂ©gager un profit. Ils adaptent leurs offres Ă  ce que les clients demandent ou Ă  ce que ces derniers pourraient potentiellement demander, pour le meilleur ou pour le pire. Je n’ai rien contre ce modèle, mĂªme s’il peut parfois mener Ă  des situations cocasses, aberrantes, stupides, agaçantes. Mais qui est responsable de ces situations? A mon avis, le responsable est le consommateur, soit parce que ses prioritĂ©s sont ailleurs, soit parce qu’il s’en fout, soit parce qu’il est paresseux, soit parce qu’il est ignorant, soit parce qu’il a un dĂ©faut d’intelligence. Mais il est vrai que les paramètres dont ils faut tenir compte sont très nombreux et parfois contradictoires. Au final, c’est dans la plupart des cas toujours le consommateur qui a le choix d’acheter ou non une chose ou un service, ou de prĂ©fĂ©rer tel ou tel chose ou service Ă  un autre.
    Attention: je ne fais pas de leçon de morale. MĂªme si je m’attache Ă  rĂ©flĂ©chir avant d’acheter, je ne suis pas exemplaire, et de loin sans doute. Qui peut se targuer de vraiment l’Ăªtre dans notre sociĂ©tĂ©, en vivant « normalement »? Personne. On l’est tous plus ou moins, mais jamais totalement.

    1. Petit exemple Ă  la mode. Aujourd’hui, sous la pression des normes de plus en plus sĂ©vères destinĂ©es Ă  faire baisser la pollution atmosphĂ©riques et Ă  lutter contre le rĂ©chauffement climatiques (objectifs oh combien louable), les constructeurs automobiles produisent ou s’apprĂªtent Ă  produire des vĂ©hicules Ă©lectriques. Mais sont-ils la panacĂ©e? Sans doute pas, mĂªme s’ils ont certains avantages. Ils ne polluent pas en roulant, mais comment est produite l’Ă©lectricitĂ© qui les alimentent? Aujourd’hui, majoritairement avec du nuclĂ©aire, du gaz, du pĂ©trole et du charbon, les Ă©nergies renouvelables Ă©tant encore largement minoritaires. Et si le parc de voiture Ă©lectrique augmente, il faudra produire plus d’Ă©lectricitĂ©. La voiture Ă©lectrique ne pollue pas, mais l’usine qui produit son « carburant » pollue gĂ©nĂ©ralement. Et comment est construite la voiture Ă©lectrique et ses batteries? Et comment cette voiture et ses batteries sont-elles ensuite recyclĂ©es? Le bilan Ă©nergĂ©tique et environnemental de ces autos est-il vraiment meilleur? Je n’en suis pas certain. Donc, il faut tempĂ©rer son sentiment de bonne conscience en achetant un vĂ©hicule Ă©lectrique (qui n’est toutefois pas mauvais en soi, mais il ne faut pas nous le vendre comme LA solution avec seulement des avantages!).
      Et la voiture Ă  hydrogène? Produire de l’hydrogène est très Ă©nergivore.
      Etc.

    2. Effectivement, la voiture Ă©lectrique est un autre exemple flagrant de comment le capitalisme arrive Ă  transformer un risque en une opportunitĂ©, avec la bĂ©nĂ©diction de l’ignorance des consommateurs. Le vĂ©hicule Ă©lectrique est certainement moins pire au niveau des Ă©missions carbones, mais il engendre d’autres pollutions importantes, notamment Ă  cause des batteries. Si les voitures Ă©lectriques grimpent en flèche au niveau de la demande c’est certes un peu Ă  cause la nouvelle pseudo conscience Ă©cologique de certains consommateurs, mais c’est surtout parce que l’industrie automobile avait les moyens de le faire, tout en y voyant une formidable opportunitĂ© de renouveler totalement le parc automobile mondiale ces prochaines dĂ©cennies. Un nouveau marchĂ© quoi. Sans compter qu’ils sont aidĂ©s par les gouvernements occidentaux qui y voient, sous couvert de l’Ă©cologie, un moyen très efficace de s’affranchir de leur dĂ©pendance vis-Ă -vis du Moyen Orient. Bref, tout le monde semble Ăªtre gagnant… en apparence du moins.

      Je suis d’accord avec toi quand tu dis que les consommateurs sont en grande partie responsables de tout ce cirque. Le consommateur est par dĂ©finition stupide, donnant l’image d’un Ăªtre totalement passif, imprĂ©gnĂ© de marketing et faisant crasher son porte-monnaie (et le crĂ©dit) pour assouvir tous ses dĂ©sirs. Et la situation s’est encore pĂ©jorĂ©e depuis l’avènement d’Internet. Alors que ce rĂ©seau social a Ă©tĂ© inventĂ© par le CERN pour mettre en rĂ©seau des cerveaux, FB et IG servent aujourd’hui surtout Ă  relier en temps rĂ©el la connerie humaine. Ils le font mĂªme de façon vachement efficace !

  2. Philippe de Habsbourg

    1- « je me jette sur les ordures Ă  la recherche de l’objet » haha mais quel jeu de mot incroyable! J’adore te lire parce qu’en plus d’Ăªtre un sage, t’es humoriste. Je pense qu’il faut faire attention par contre pour ne pas mettre tous les vegans dans le mĂªme bateau que ton amie. Je crois qu’il y a moyen d’Ăªtre vegan et avoir une source Ă©levĂ©e en protĂ©ines sans toutefois manger de la m… Je suis d’accord par contre pour dire que tout ce qui est Beyond Meat / Impossible Foods c’est prouvĂ© que c’est malsain et en plus d’Ăªtre très dispendieux c’est moyennement bon. Aucune chance que j’investisse dans Beyond Meat Ă  la bourse d’ailleurs!

    2- Ça me fait penser aux trottinettes électriques qui finissent dans la Seine à Paris. Supposément bon pour la conscience environnementale mais finalement un désastre écologique incroyable, surtout causé par la faible intelligence de la société collective.

    3- J’avais vu passer cet article. Je ne remets pas en cause leurs rĂ©sultats pour une personne sĂ©dentaire, mais clairement les personnes tests ne faisaient pas de sport! Je me verrais mal ne pas utiliser de savon après avoir suĂ© comme un porc et puer comme un cochon… je crois que ma copine est d’accord avec moi Ă©galement haha!

    1. 1) Je suis bien d’accord, il faut diffĂ©rencier les vegans « de souche » des vegans « conditionnĂ©s » (la majoritĂ©). Les premiers vivent en cohĂ©rence avec leurs convictions tandis que les deuxièmes sont victimes, inconsciemment, du marketing, de la mode et d’Internet, en particulier des « influenceurs » (j’adore ce terme…). Aujourd’hui avec les rĂ©seaux sociaux et l’effet de groupe qu’ils engendrent, il est devenu impossible ou presque de savoir ce qui est du marketing et ce qui est de l’information.
      2) Très bon exemple ! Dans le mĂªme genre d’Ă¢neries on peut citer aussi la prime Ă  la casse qui t’encourage Ă  changer ta veille caisse pour une neuve, sous couvert de motifs Ă©colos. Paradoxal ! Et bien organisĂ© par le lobby automobile.
      3) Alors le gars Ă©tait un sportif semble-t-il. NĂ©anmoins j’ai fait le test, Ă©tant moi-mĂªme un grand adepte de sport, et je dois dire, surtout cet Ă©tĂ©, que c’Ă©tait quand mĂªme pas Ă  100% efficace. Donc j’ai fait un compromis : savon de Marseille aux endroits stratĂ©giques après le sport, le reste du temps Ă  l’eau. Et c’est parfait. Sain, Ă©conomique et Ă©cologique.

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