Le bon petit écolier

Temps de lecture : 3 minutes

Il était une fois un petit écolier surnommé Lulu. Ses parents travaillaient dur pour nourrir la famille et payer la dette de leur modeste petit appartement. Son papa n'avait pas fait d'études et s'épuisait à l'usine. Sa maman avait réussi à décrocher un petit job administratif à temps partiel mal payé. Le reste du temps, elle vaquait aux tâches ménagères.

Lulu n'était pas très doué à l'école, mais travaillait dur tous les soirs. Il faut dire que ses parents ne lui laissaient pas vraiment le choix, comme si ils souhaitaient lui éviter de vivre la même vie que la leur. Il avait plusieurs potes, avec qui il aurait aimé passer plus de temps. Mais les devoirs et les leçons lui prenaient beaucoup de temps. Trop de temps.

Alors un soir, alors qu'il apprenait par cœur "Le lièvre et la tortue" dans sa chambre, il eut une révélation. Je ne suis peut-être pas très doué se dit-il, mais si je fais comme la tortue, je peux atteindre en premier la ligne d'arrivée. Mais Lulu ne voulait pas devenir premier de classe, car il n'aimait pas l'école. Il avait d'autres projets en tête.

Depuis ce moment, tous les soirs, il consacrait dix minutes de son temps d'étude à s'instruire pour son propre compte. Il lisait sur d'autres sujets, comme le sport, l'actualité, la politique, la santé, la culture, les différents pays du monde, l'économie et la finance. Lentement, mais sûrement, il se constituait une sorte de bibliothèque intérieure, un refuge dans lequel personne ne pouvait entrer.

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Grâce à ce monde qui lui était propre, il était capable de créer des voyages virtuels, sur d'autres continents, dans des mondes imaginaires ou encore dans d'autres époques. Plus il apprenait, plus devenait capable de rêver et de relativiser les tracasseries scolaires. En même temps, il devenait très fort sur certains sujets, y compris à l'école, même si ce n'était pas son but premier.

Rapidement, les dix minutes quotidiennes ne suffirent plus. Lulu augmenta à quinze minutes, puis vingt... Il passait de plus en plus de temps à lire sur plein de sujets différents et de moins en moins sur ses devoirs. Il encaissa de très mauvaises notes sur certaines branches, qu'il parvenait très facilement à compenser grâce à d'autres. Ses parents hésitaient en permanence entre réprimandes et félicitations. En fin de compte ils étaient fier de leur petit Lulu, car par moments, il leur paraissait être un génie.

Lulu finit sa scolarité sans trop de problèmes. Il était loin d'être le premier de classe, mais excellait dans certains domaines. Il passa quelques années à l'université, qu'il apprécia énormément. Le monde académique était un tremplin pour le monde imaginaire de Lulu, grâce non seulement aux connaissances qui y étaient enseignées, mais surtout par l'énorme indépendance dont il pouvait bénéficier.

Et puis arriva le grand jour où Lulu entra dans la vie active. Au début, c'était un nouveau terrain de jeu, avec une foule de choses à apprendre et des nouvelles têtes à connaître. Mais très vite il se rendit compte qu'il ne mettait à profit qu'une petite partie de ses nombreux savoirs . Non seulement il commençait à se lasser, mais surtout il avait l'impression que ses connaissances et son énergie lui étaient dérobés par son employeur. Alors qu'il avait étudié jusqu'ici pour entretenir son monde virtuel, ses compétences étaient ici exploitées pour entretenir l'univers d'une autre personne. Lulu n'était plus heureux.

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Alors, comme vingt années plus tôt, il se mit à étudier tous les soirs durant dix minutes. Peu-à-peu, certaines connaissances oubliées resurgirent du passé, notamment l'économie et la finance. Même s'il n'en avait pas fait sa profession, Lulu avait toujours considéré ces domaines avec un certain intérêt, sans trop savoir pourquoi. Alors, les dix minutes par soir passèrent à quinze, puis vingt...  Plus il lisait, plus son travail lui paraissait ennuyeux.

Il commença à épargner, puis à investir. Au début, ce n'était pas grand chose, l'histoire de quelques centaines de francs. Lulu se rappelait néanmoins toujours de la fable de La Fontaine. Son capital se mit à grossir, lentement, mais sûrement. Quand il était à l'école, plus il s'instruisait pour son compte, moins il travaillait ses devoirs. Maintenant qu'il était dans la vie active, plus il s'enrichissait, plus il diminuait son temps de travail. Son taux d'activité se réduisait comme un peau de chagrin. Les collègues autour de lui commençaient à se poser des questions.

Arrivé à 50 ans, Lulu annonça à tout le monde qu'il prenait sa retraite. Les gens le regardèrent avec un mélange d'incrédulité, de moquerie et de consternation. J'ai passé ma vie à étudier et travailler pour les autres dit-il, maintenant je vais consacrer le reste de mon existence à prendre du temps pour moi et mes proches. Derrière les sourires de façade, dans son dos, tout le monde se disait qu'il était devenu fou.

Pourtant, ses parents avaient raison, le bon petit écolier était en fait un génie. Il venait de passer en premier la ligne d'arrivée.

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4 réflexions sur “Le bon petit écolier”

  1. Belle fable dont, te connaissant, on imagine la plus grande partie autobiographique. 🙂

    Devenu aujourd’hui parent, et à la lumière de mes propres expériences, les questions que je me pose désormais sont: Comment faire profiter nos enfants de ce savoir? Faut-il leur parler de notre parcours et de nos convictions? Ou n’est-il pas préférable de les laisser faire leurs propres expériences?

    J’ai souvent été tenté de leur dire ce que je pensais véritablement du monde professionnel, de ces heures supp qui me volaient du temps avec eux, de ces nuits blanches passées à me prendre la tête sur des projets ou des histoires avec des collègues toxiques. Leur dire de commencer très tôt à mettre de l’argent de côté et l’investir afin de pouvoir quitter cet univers de fous avant d’être cuits comme des steaks.

    D’un autre côté, je me dis que toutes ces considérations n’engagent que moi, qu’elles ne sont que le reflet de mes propres expériences et pas la vérité absolue. Peut-être parviendront-ils à s’épanouir dans ce monde professionnel, là où j’ai échoué à le faire?

    En étant trop honnête, j’ai peur des les démotiver à bien travailler à l’école et d’en faire des personnes désabusées avant l’heure. N’ont-ils pas le droit d’être des enfants comme les autres, insouciants et plein d’espoir, de « bons petits écoliers » comme les autres?

    Comment as-tu choisi d’aborder ces questions avec tes enfants? Sont-ils au courant de ta démarche, de tes convictions et de tes projets d’indépendance financière?

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      Tu te doutes bien que dans mon cas ils vont bien finir par avoir de la curiosité par rapport à ce je fais derrière mon pc, avec ce blog. Je ne vais pas le leur cacher quand cela viendra. Pour l’instant je me contente de leur expliquer plutôt le côté technique de l’approche et non son aspect philosophique. Cela veut dire essentiellement pourquoi c’est important de toujours mettre un peu de côté quand ils reçoivent de l’argent. Ils peuvent se faire un petit cadeau tout de suite mais je leur demande d’économiser pour se faire un plus grand cadeau plus tard. Ils ont très bien compris pourquoi cela valait la peine. Je les laisse aussi libre de faire les activités qu’ils aiment (comme le sport par ex.), pas ce que j’aimerais qu’ils fassent. Tout comme je les laisserai libres de choisir les études et la profession qu’ils aiment. Je n’ai pas vraiment eu ces choix étant plus jeune, et ce n’est donc pas étonnant que je n’apprécie pas mon travail aujourd’hui. Je me dis que si ils ont ces libertés, ils auront plus de chances d’être heureux au travail et donc l’indépendance financière ne sera peut-être pas nécessaire pour eux. Ou si elle l’est quand même, ce sera peut-être à un degré moindre.

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    Ces jours, sur la radio RTS La Première, il y a le matin, après 8h00, une série d’émissions consacrées au travail, sous divers angles; on peut les retrouver en « podcast ».
    J’ai entendu partiellement une émission qui évoquait le mouvement « frugaliste » en Allemagne. Les frugalistes ont une approche similaire mais plus extrême que celle dont il est question sur « dividendes.ch », en ce sens qu’il se contente a priori de vivre très modestement, à la fois durant la phase d’économie, celle d’investissement et celle de l’indépendance financière (était présenté le cas d’un Berlinois ayant pris sa « retraite » à 49 ans, avec un budget de EUR 2’000.- par mois, ce qui lui permet selon ses dires de vivre correctement mais modestement dans cette ville, sans luxe et en maîtrisant soigneusement ses dépenses).
    De manière générale, il semblerait que la relation des gens avec le travail est en train de changer de manière relativement profonde, et que beaucoup aspirent à sortir du système traditionnel.
    Question: si tous le monde avait un objectif d’indépendance financière par l’économie et l’investissement, le système tiendrait-il debout?

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      Le frugalisme n’est pas nouveau, j’en parlais déjà ici :
      https://www.dividendes.ch/2012/12/tout-ce-quil-faut-savoir-pour-devenir-un-rentier-precoce/
      Il faut lire notamment le livre de Jacob Lund Fisker qui est un extrémiste en la matière 😉
      Non le système ne tiendrait pas debout puisqu’il se base justement sur la production et la consommation. Sans travailleurs pas, de production et sans clients, pas de consommation.
      Néanmoins nous sommes très loin du jour où tout le monde sera sorti de la Rat Race. Sur cette planète, nous les frugalistes et aspirants de l’indépendance financière nous ne représentons qu’une marge infime de la société.
      N’oublions pas aussi qu’il y a énormément de gens qui aiment consommer et même travailler. Si si ça existe.
      L’indépendance financière n’est pas faite pour tout le monde. Il faut un certain type de personnalité qui va avec, genre INTJ, INTP ou INFJ. Ces profils ne représentent que quelques petits points de pourcentage de la société. Et parmi eux seule une minorité vont se laisser tenter par une retraite précoce, les autres ne considérant souvent qu’ils n’ont ni l’envie, ni les moyens ou encore les compétences de le faire (à tort entre nous soit dit).
      Donc pas de souci, nous avons encore de beaux jours devant nous !

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