Analyse d’American States Water Co (AWR:NYQ)

Une fois n'est pas coutume, je vais revenir sur un des mes anciens titres payeurs de dividendes croissants, American States Water, une entreprise US de services publics (eau et électricité). Ce dernier est un aristocrate, avec 64 années consécutives d'augmentation du dividende, excusez du peu. J'avais acheté ce titre en 2013 et je l'ai revendu il y a un an, peut-être un peu tôt, à en juger la performance depuis-là. Un de mes lecteurs a pris contact avec moi pour me demander ce que j'en pensais. En effet ,il a reçu une recommandation de vente de la part de sa banque. D'habitude je suis assez circonspect par rapport aux mots d'ordre de ces dernières, cela a donc suffi pour me titiller. Etant vendeur il y a un an, avec un cours qui a encore bien progressé depuis, je devrais logiquement toujours être du même avis. Mais si une banque émet une recommandation de vente, alors mon côté contrarian aurait plutôt tendance à me pousser à acheter. Une seule manière d'en avoir le cœur net : il faut que je fasse mes devoirs. Donc allons-y.

Valorisation & dividende

AWR se négocie à un prix particulièrement dissuasif. Le cours se monte en effet à :

  • 32 fois les bénéfices récurrents courants
  • 35 fois les bénéfices récurrents moyens
  • 4.2 fois les actifs tangibles
  • 5 fois les ventes
  • 70 fois le free cash flow courant
  • 81 le free cash flow moyen

C'est intenable ! L'EBITDA se monte seulement à 6.4% de la valeur de l'entreprise. C'est très cher tout ça...

Du point de vue du dividende, le rendement n'est pas énorme, avec seulement 1.65%. Avec un tel montant, on pourrait s'attendre à un ratio de distribution très prudent, mais pourtant ce dernier se monte tout de même à:

  • 53% des bénéfices courants
  • 58% des bénéfices moyens
  • 114% du FCF courant
  • 134% du FCF moyen

Ok, me direz-vous, c'est un aristocrate, et pas des moindres. Néanmoins, si l'entreprise n'arrive pas à faire progresser de manière substantielle son bénéfice et son FCF à l'avenir, AWR va avoir de la peine à augmenter son dividende aussi bien que dans le passé (11.3% de croissance annuelle moyenne ces cinq dernières années). Il est à noter d'ailleurs que ces cinq dernières années le dividende a progressé presque deux fois plus vite que le bénéfice, ce qui n'est évidemment pas tenable sur le long terme.

Bilan & résultat

Nous avons vu que les dividendes ont bien progressé ces dernières années et le bénéfice un peu moins. En ce qui concerne les actifs, leur valeur augmente sur un rythme très lent. Quant aux réserves de liquidités elle sont sur la pente descendante. AWR crée de la valeur, mais en demi-teinte, tandis que le cours surperforme outrageusement, puisqu'il a plus que doublé ces cinq dernières années. Evidemment, là aussi, une telle divergence n'est pas tenable sur le long terme, surtout avec les niveaux de valorisation que nous avons vus ci-dessus.

Sans surprise, les réserves de liquidités sont faibles, avec un current ratio de 0.99 (en légère hausse quand même) et un quick ratio de 0.69. La marge brute par contre est énorme, avec 80% (en très légère baisse), pour une marge de free cash flow de 7.26% et une marge nette de 15.65%. Rien à redire donc à ce niveau-là, bien au contraire.  Même son de cloche au niveau de la rentabilité, qui est bonne, avec un ROA de 4.87% (en hausse), un ROE de 13% et un CFROA de 10.23%.

Le taux d'endettement à long terme par rapport aux actifs est important, avec 22.65% (en hausse). Heureusement les dettes ne représentent que 0.72 fois les fonds propres. Par contre, il faudrait tout de même 14 ans à AWR pour rembourser l'intégralité de sa dette en ayant recours à son free cash flow. C'est évidemment très long.

Point intéressant à relever, en plus de la politique de dividendes croissants, l'entreprise rachète également régulièrement ses actions, ce qui permet de concentrer l'avoir des ses actionnaires. AWR se comporte donc comme une société soucieuse du porte-monnaie de ses propriétaires 🙂

Conclusion

AWR est évidemment une entreprise profitable, avec de marges substantielles, une bonne rentabilité et de faibles frais généraux. La dette est importante, mais demeure correcte par rapport aux fonds propres. Par contre AWR a de la peine dégager du FCF ce qui s'explique par des nécessités importantes de dépenses en équipements. Les réserves de liquidités en font notamment les frais.

Certes AWR, de par son histoire, sa taille, sa rentabilité et ses marges, a peu de risques de faire faillite. Le Z-Score d'Altman, de 2.1 la place d'ailleurs dans la zone grise. Pas de sécurité absolue, mais pas non plus de gros danger immédiat. Le F-Score de Piotroski, de 7, nous dit même que l'entreprise est plutôt solide.

Du point de vue des fondamentaux c'est donc pas mal. Rien d'extraordinaire, mais pas mal quand même. Le problème c'est vraiment le prix. On dit que lorsque le ratio cours/ventes dépasse trois il faut vendre. Là on en est à cinq. Je vous laisse juger... Vous me direz que le titre possède un faible beta, avec seulement 0.09. Mais un faible beta ne veut pas dire qu'un titre n'est pas volatil, juste qu'il varie peu en fonction du marché. Alors même que le titre n'a fait presque que monter ces 12 derniers mois, sa volatilité s'est élevée à 21.85%. Je n'ose pas imaginer lorsque ça commencera à descendre. Je ne serais pas étonné que le cours soit divisé par deux.

Je n'aime pas à devoir dire ça, mais cette fois la recommandation de vente émise par la banque en question me paraît tout à fait justifiée! Est-ce que le monde de la finance aurait changé? Serait-il devenu sage? My God. Tout fout le camp!!!

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7 réflexions sur “Analyse d’American States Water Co (AWR:NYQ)”

  1. Philippe de Habsbourg

    « Mais si une banque émet une recommandation de vente, alors mon côté contrarian aurait plutôt tendance à me pousser à acheter. »
    Je serais heureux d’en savoir plus sur cette citation. Merci!

  2. blank

    Acheter au son du canon et vendre au son du clairon… Cela veut dire aller à rebrousse poil de la masse des investisseurs. Acheter quand tout le monde vend (quand les perspectives sont très mauvaises, comme en temps de guerre) et vendre quand tout le monde achète (quand les perspectives sont très bonnes, comme en ce moment). Donc quand une grande banque émet une recommandation, on fait juste l’inverse. C’est la première raison.

    L’autre explication c’est que les banquiers n’arrivent pas à prendre du recul sur le monde de la finance. Ils nagent dedans. Souvent ils ont donc de la peine à voir clair car ils sont non seulement bombardés d’informations à court terme, mais surtout ils sont formatés d’une manière qui ne leur permet pas de voir les choses autrement.

    Enfin, et c’est plus vicieux, les banques ont souvent des conflits d’intérêt par rapport à leurs recommandations. Elles ont des participations dans certains titres, émettent des signaux d’achat sur des titres dont elles veulent se séparer ou des avis de vente sur des titres qu’elles veulent acheter.

  3. blank

    Je me rappelle très bien de AWR que j’ai conservé quelques années avant de vendre avec un joli bénéfice (et quelques sympathiques dividendes au passage).

    C’est une entreprise que j’adore mais elle est clairement en déconnexion totale avec un prix correct, à tel point que j’ai même acheté quelques options puts en début d’année (qui expireront vraisemblablement malheureusement trop tôt pour en profiter).

  4. blank

    Quand on voir la progression du cours depuis début 2012 c’est impressionnant.
    1er mars 2012 : 18.40
    Aujourd’hui : 59.32
    Rajoute-là dessus toutes les dividendes croissants versés comme tu le dis… C’est des plus-values qu’on peut avoir d’habitude plutôt sur des technos, et en tout cas pas sur des « utilities » !
    Bref ça sent quand même la spéculation là.

  5. blank
    Laurent Martin

    Effectivement, je suis toujours circonspect par rapport aux recommandations des banques, car il y a des risques que ces recommandations ne soient pas objectives mais servent leurs intérêts propres. Le risque de conflit d’intérêts est important. Une telle manoeuvre est certes interdite par les régulateurs, mais tant que ce n’est pas trop visible, dans la « zone grise », je peux m’imaginer que les recommandations ne reposent pas toujours uniquement sur une analyse impartiale.

    Concernant l’achat au son du canon et la vente au son du clairon, c’est intéressant, mais il est plus facile de déterminer quand tonne le canon (directement après un krach) que lorsque joue le clairon (les périodes positives voire d’euphorie peuvent être longues). Si je prends l’exemple du dernier grand krach en 2008 (on va bientôt « fêter » les 10 ans de cet événement majeurs et douloureux!), celui qui a acheté en 2008 avant le krach (j’en étais…) a pris une belle claque, alors que celui qui était liquide et qui a fait son marché en 2009 a fait de bonnes affaires. Toute la question est de savoir quand être liquide, soit de quand il faut vendre; c’est à mon avis plus difficile que de savoir quand il faut acheter.

    1. blank

      Comme tu le dis. Il y a des pratiques interdites pour les banques. Et elles sont supposées être contrôlées pour ça. On a vu comme cela a été efficace en 2008… ce sont même les banques qui ont été à l’origine du massacre. Donc la confiance est à zéro, même si pour une fois je suis ok avec leurs conclusions.

      Par rapport à ton deuxième paragraphe, il est impossible de faire du market timing. Les recherches ont prouvé que ça ne marchait pas et qu’il valait encore mieux rester à 100% investi. Néanmoins le bon sens nous dit qu’il vaut mieux alléger ses positions les plus onéreuses quand le marché est en surchauffe et commencer à racheter quand tout le monde panique. Je ne pense pas forcément qu’il est plus facile de repérer le son du canon que celui du clairon. 2008 a été un krach assez rapide, donc là c’était assez évident c’est vrai. Mais l’éclatement de la bulle Internet était une toute autre histoire. Combien de fois on s’est dit alors, cette fois c’est bon, ça ne peut pas tomber plus bas. Cella a quand même duré presque trois ans pour finir. Ok, certes, on est encore très loin des 10 ans d’euphorie qu’il y a maintenant, mais il faut dire qu’on revenait de très loin après deux gros marchés baissiers et que les valorisations sont restées correctes encore très longtemps après le début de la remontée… Il faut aussi signaler que le marché US est complètement manipulé par la politique de Trump. Il n’a d’ailleurs pas tort quand il dit que s’il est déchu, le marché va s’effondrer, mais ce n’est pas parce qu’il est bon, juste parce qu’il a triché 🙂

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    Laurent Martin

    C’est juste: les krachs n’ont pas toujours les mêmes conséquences: certains provoquent une brusque plongée suivie d’une remontée plus ou moins lente ou rapide (comme en 2008; mais en réalité le pic du marché date de la fin 2007, même si la descente la plus brutale a pris place en automne 2008, sur fond de faillite de Lehman Brother) et le fonds a été touché en février 2009) et d’autres entraînent une descente plus ou moins lente ou rapide (marché bearish) avant que la tendance ne s’inverse (avec le krach de la la bulle internet, la descente a commencé vers septembre 2000 pour toucher le fond et repartir en mars 2003, avec la Guerre du Golfe II).

    Je constate que les marchés sont montés moins rapidement depuis février 2009 qu’avant les pics de septembre 2000 et de décembre 2007. En outre, il y a eu un sérieux trou d’air en 2016, qui n’a pas son pendant avec les pics précités.

    Au final, il est vrai que le market timing est aléatoire. On en revient toujours à la même conclusion: seuls devraient compter l’analyse de la qualité d’une entreprise, d’une part, et sa valorisation du moment, d’autre part.

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