Analyse de Orior AG (ORON:SWX)

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ORIOR est un producteur alimentaire helvétique spécialisé dans la transformation d'aliments frais. L'entreprise possède de nombreuses marques dans son portefeuille, notamment Rapelli, Ticinella, Nature Gourmet et Le Patron. Même si elle n'est cotée en bourse que depuis 2010, les origines d'Orior remontent très loin, au 19e siècle déjà. Un peu d'histoire est nécessaire pour comprendre certains fondamentaux actuels d'Orior et se faire une meilleure idée de sa valeur.

Histoire

1852 : Louis Ormond fonde la première usine de tabac à Vevey (VD). En 1930, il fusionne avec Louis Rinsoz, qui a inventé le fameux "Meccarillos". Les deux entreprises font alors partie des producteurs et distributeurs suisses de cigarettes les plus renommés.

1992 : Rinsoz & Ormond Holding SA se transforme en ORIOR Holding SA et s'aligne stratégiquement vers l'industrie alimentaire. Plusieurs entreprises d'aliments préparés haut de gamme sont intégrées dans le groupe. En 1993, l'entreprise achète les actions du groupe Rapelli (Charcuterie italienne) et de la société Trinca (pâtes).

1996 : Participation et achat d'autres sociétés bien établies telles que Le Patron (pâté et convenience), Pastinella (pâtes), le Traiteur Seiler (pâtes fraîches) et des fournisseurs de catering aérien.

2008 : Le groupe ORIOR reprend la célèbre et traditionnelle entreprise des Grisons Albert Spiess Holding AG. En 2009, ORIOR / Spiess Europe devient une plateforme d'exportation européenne à Haguenau (F) et approvisionne les marchés allemand et français.

En 2011, achat de la société spécialisée tessinoise Salumeria Keller SA. La petite entreprise traditionnelle produit des spécialités de charcuterie tessinoise de qualité sous sa propre marque "Val Mara". Il constitue un atout précieux pour le centre de compétences Rapelli et présente un potentiel de croissance considérable. La société Bernatur, premier producteur suisse de tofu, est également reprise.

En 2012, ORIOR acquiert Möfag, un fabricant renommé de spécialités de viande. L'entreprise familiale est bien établie dans la région de Suisse orientale et sert à la fois la restauration et le commerce de détail.

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2014 : ORIOR reprend le spécialiste du tofu bio Noppa AG. Avec cet arrondissement, ORIOR élargit encore sa compétence végétarienne.

En 2016, ORIOR reprend le groupe alimentaire Culinor. ORIOR renforce ainsi et élargit ses compétences de base dans le marché croissant des aliments prêts-à-servir haut de gamme, au-delà de la frontière suisse vers l'Europe. Le groupe Culinor Food est le premier fabricant de plats cuisinés et de composants de menu pour les secteurs du commerce de détail et de la restauration au Benelux. Le groupe innovant vend également ses produits dans d'autres pays européens depuis le principal marché établi au Benelux.

Valorisation

Orior se négocie à un prix intéressant, de 14 fois les bénéfices récurrents, 0.77 fois les ventes et 11 fois le free cash flow. Le rendement en dividendes est lui aussi intéressant, à 2.84%, pour un ratio de distribution pourtant prudent (40% par rapport aux bénéfices / 31.2% par rapport au free cash flow). L'entreprise a donc encore de la place pour augmenter encore son dividende dans le futur, comme elle l'a d'ailleurs fait de manière très régulière, mais peu rapide, par le passé (1.95% par an en moyenne ces cinq dernières années).

Du point de vue de la valeur comptable corporelle par contre c'est nettement moins bien puisque le ratio se monte à 19.6. Comment expliquer que ce dernier ratio semble indiquer une survalorisation alors que les quatre autres disent plutôt le contraire ?

Si on regarde du point de vue de la valeur comptable totale (comprenant les actifs tangibles et intangibles), le ratio est clairement meilleur, puisqu'il se monte à 1.6. Il est donc cohérent avec les autres coefficients de valorisation. Cela signifie donc que les actifs non corporels (les intangibles et le goodwill) d'Orior sont importants. Effectivement, ces derniers représentent 2.3 fois les actifs tangibles. D'ordinaire je préfère me fier aux éléments bien réels, mais ici il y a un faisceau d'indices qui semblent nous indiquer qu'il y a une réelle valeur derrière ces actifs non corporels.

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Tout d'abord, comme nous l'avons vu, les quatre autres ratios nous attestent que le titre est correctement valorisé, voire même légèrement sous-valorisé, en particulier par rapport aux ventes. D'autre part, si on s'attarde sur les actifs non corporels, on se rend compte que le goodwill est non seulement plus élevé que les actifs corporels, plus important également que les intangibles, mais qu'en plus il ne fait que progresser depuis plusieurs années.

Lorsqu'on achète de l'Orior, on achète aussi le portefeuille d'actifs de l'entreprise, ses nombreuses marques et acquisitions. L'histoire de la société nous montre qu'elle a grandi particulièrement de manière exogène, en procédant à des achats ciblés, intelligents et cohérents lui permettant de dégager à la fois des synergies et des opportunités de développement. C'est cela qui explique le goodwill croissant et important d'Orior et cela également qui explique pourquoi le titre semble survalorisé si l'on se focalise uniquement sur les actifs corporels. Orior est beaucoup plus qu'un simple fabricant de produits alimentaires.

Partir d'une petite usine de tabac et savoir se réorienter totalement en réinvestissant ses actifs dans un portefeuille diversifié d'entreprises alimentaires suisses et européennes... en certains points ça nous rappellerait presque une petite entreprise textile qui s'est transformée en société d'investissement.

Bilan & résultat

Tout comme le dividende, les bénéfices, les réserves de cash et la valeur des actifs progressent religieusement sur le long terme. Orior parvient clairement à créer de la valeur pour ses propriétaires sur la durée et ceci se ressent sur le cours de l'action qui progresse lui aussi de manière régulière.

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Les réserves de liquidités sont très confortables, avec un ratio de liquidité générale de 2.18 (en très légère baisse) et un ratio de liquidité réduite de 1.32. La marge brute est en très légère progression, à 22.2%, pour une marge de free cash flow correcte de 7%. Le rendement des actifs est lui aussi en hausse, à 5.8%, pour une rentabilité en cash flow des actifs appréciable de 10.2%. Franchement pas mal pour une entreprise du domaine alimentaire.

Le taux d'endettement à long terme par rapport aux actifs est certes assez élevé, à 23.6%, mais en baisse. De plus, grâce à la capacité assez importante d'Orior de dégager des liquidités, la totalité de la dette pourrait être remboursée en à peine plus de trois années en ayant recours à son free cash flow.

Notons encore que le nombre d'actions en circulation est stable voire légèrement baissière sur le long terme, ce qui est évidemment une bonne nouvelle pour ses propriétaires.

Conclusion

Orior possède une histoire impressionnante. Elle est active dans un secteur qui la protège des agitations du marché, ce qui est corroboré par un beta de seulement 0.05! Pas de risque d'obsolescence technologique et des frais généraux assez bien contenus, c'est le genre de titre qu'on peut acheter et oublier dans un coin.

Je suis d'avis que le titre est correctement valorisé en ce moment. C'est donc évidemment à conserver et éventuellement à surveiller en vue d'un achat/renforcement.

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17 réflexions sur “Analyse de Orior AG (ORON:SWX)”

  1. C’est vrai, belle entreprise avec une histoire pleine de rebondissements. Je possède aussi une petite tranche d’Orior, action que j’assimile presque à une obligation tant elle est pépère.

    Ce qui ne m’enchante pas c’est en effet la croissance anémique du dividende et la marge nette bénéficiaire fine comme de la pâte à pizza. A ce niveau, Bell a quand même un profil un peu plus sexy!

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    ANTONIO martins

    Bonjour Jerôme
    Si elle progresse comme la petite entreprise de textile elle fera beaucoup d’heureux…..

    Que penses-tu de KHC qui est en dessous du prix d’achat de WB avec un PER de 6.93 très bas et un rendement assez confortable ?

    amicalement
    Antonio

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    ANTONIO martins

    Bonjour Jerôme
    sur mon i-phone il l’indique :
    capitalisation 74.44 Mds
    max 52 semaines 93.88
    mini 52 semaines 60.49
    cours 60.73 ce jour
    PER 6.82 ce jour car l’action a baissé hier
    Rendement 4.03 % au cours de ce jour.
    Compte tenu que Warren Buffet l’a acheté sur la base de 72.50 $ et à ce jour elle est à 60.73 $ cela peut être très intéressant. D’autant plus que comme il a acheté avec 3G Capital (Lehmann Jorge Paulo) 3G a pour réputation de faire remonter les bénéfices suite à leur intervention.
    Comme tu as une grande expérience dans l’analyse ton avis me semble très intéressant.
    Après peut-être que les chiffres ne soient pas à jour….. bien évidemment c’est en $…
    amicalement
    Antonio

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      Il ne faut jamais faire confiance à Apple, je l’ai toujours dit 🙂
      Trêve de plaisanterie, ceci nous prouve encore une fois le danger qu’il y a d’investir en ne regardant que le PER indiqué par les sites financiers.
      Il est important d’examiner d’autres ratios de valorisation et aussi ce qu’il y a derrière ce PER.
      En l’occurence, sur les 10’999 mio d’USD de bénéfice net en 2017, 7’000 mio d’USD proviennent d’éléments extraordinaires, donc non récurrents.
      En vérité le PER n’est pas de 6.82, mais de 18.5. Voilà qui change considérablement la donne!
      Warren a certainement acheté sur la base d’autres critères. Je pense notamment :
      – Marge brute moyenne assez bonne
      – frais généraux moyens assez bons
      – marge nette moyenne assez bonne
      – goodwill en hausse
      – dette raisonnable
      – besoins en dépense d’équipement assez faibles
      – prix par rapport à la valeur comptable corporelle intéressant

      Ce qui me dérange beaucoup plus par contre ce sont les liquidités : très faibles et en baisse.
      => risques de difficultés de paiements et donc également de maintenir le dividende…

  4. blank
    ANTONIO martins

    Bonjour Jerôme
    Merci pour tes commentaires très instructifs sur KHC car tes analyses vont beaucoup plus loin. Ton expérience nous est très profitable et c’est vrai que le PER est très réducteur si on le prend seul.
    Merci encore.
    amicalement
    Antonio

  5. blank

    Argh, trop dommage! Je trouve que c’est l’action pépère par excellence que l’on peut conserver à vie sans se poser de questions. Quasi une obligation avec un dividende qui ne croît presque pas, mais solide comme un steak bien cuit. 😉

    1. blank

      Oui j’ai d’ailleurs hésité justement à cause de ça. Mais finalement j’ai décidé de garder ma même règle de protection pour toutes mes actions. Et rien ne m’empêche d’y revenir dans quelques temps, comme d’autres du genre. Bell, Emmi et autres !

  6. blank

    Le moment de revenir sur Orior ne serait-il pas venu? « Grâce » au Covid l’action est presque 20% moins chère qu’en début d’année. Le modèle d’affaires est relativement résistant, le dividende me semble assuré et dépasse les 3%. Ce qui me fait le plus hésiter c’est surtout le faible % de fonds propres…

  7. blank

    Effectivement le dividende est intéressant et bien couvert du point de vue des bénéfices et du FCF. Comme tu l’as dit un des gros points noirs c’est le faible taux de fonds propres, autrement dit l’endettement qui est très important. La dette représente 3.15 fois les fonds propres et le taux d’endettement à long terme 40% des actifs. Sans compter qu’Orior a en plus émis des actions ces dernières années. Malgré le dividende intéressant actuel de 3%, à cause de l’endettement et de l’émission des actions, le rendement pour l’actionnaire s’est élevé en moyenne à -4% par an ces cinq dernières années. Pas fameux… Rajoute là dessus que le prix/valeur comptable grimpe jusqu’à plus de 6% ce qui est énorme. Donc pas trop ma tasse de thé, en tout cas dans ces circonstances.

  8. blank

    Merci Jérôme

    L’endettement me semble en effet élevé mais pas facile à interpréter: j’ai lu qu’Orior était passé en 2018 de la norme comptable IFRS à Swiss GAAP FER et que depuis le goodwill dû à la dernière grosse acquisition était directement déduit des fonds propres.

    Ainsi, les fonds propres seraient supérieurs à 50% selon IFRS, mais inférieurs à 20% selon Swiss GAAP FER. Sacré casse-tête…

  9. blank

    Le « gap » s’est produit entre l’exercice fiscal 2016 et 2017. 205 millions de fonds propres se sont évaporés à cause du changement que tu cites, répartis entre le goodwill et les intangibles. Ceci explique pourquoi la valeur comptable est aussi importante, car elle correspond en fait à une valeur comptable corporelle (uniquement les actifs tangibles). J’avais d’ailleurs évoqué le point de la forte composante des intangibles dans l’article.

    Jusqu’en 2018, cela ne me dérangeait pas, car comme je le mentionnais :
    « Lorsqu’on achète de l’Orior, on achète aussi le portefeuille d’actifs de l’entreprise, ses nombreuses marques et acquisitions. L’histoire de la société nous montre qu’elle a grandi particulièrement de manière exogène, en procédant à des achats ciblés, intelligents et cohérents lui permettant de dégager à la fois des synergies et des opportunités de développement. C’est cela qui explique le goodwill croissant et important d’Orior et cela également qui explique pourquoi le titre semble survalorisé si l’on se focalise uniquement sur les actifs corporels. Orior est beaucoup plus qu’un simple fabricant de produits alimentaires. »

    Néanmoins, depuis les choses ont un peu changé. Le taux d’endettement à long terme par rapport aux actifs a explosé de 23% à 40%, tandis que la capacité à générer des flux de trésorerie libre n’a pas évolué. L’entreprise aurait besoin aujourd’hui de plus de 7 ans pour rembourser toute sa dette en ayant recours à son FCF, ce qui est trop long.

    L’autre point qui a aussi changé c’est que jusqu’à l’exercice fiscal 2017 Orior maintenait le nombre d’actions en circulation stable, voire le baissait. Depuis c’est juste le contraire.

    Bref, augmentation de l’endettement et du capital actions, ce n’est pas vraiment comme cela qu’un actionnaire aimerait qu’une entreprise se développe…

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