Dernière mise-à-jour : 29 juin 2014
Comme beaucoup, j'ai été surpris par le résultat de la votation sur la limitation de l'immigration massive. Certes la libre circulation des personnes a des effets bien réels sur nous tous et j'en ai déjà très souvent parlé sur ce blog : pression sur les salariés, sur leurs salaires, course au profit coûte-que-coûte, congestion des infrastructures de transports, etc. Depuis l'ouverture des frontières notre vie à tous a changé, avec un stress de plus en plus important à supporter dans le cadre de notre vie professionnelle, des journées de travail qui s'allongent, suivies d'interminables heures à passer cloisonné dans sa voiture en plein embouteillage. Le temps passé à domicile avec sa famille est de plus en plus court et même durant ces instants, les soirées, le week-end, on est encore dérangé sur son smartphone. Oui, c'est vrai, la vie a changé, et pas forcément en mieux. En tout cas pas pour la classe moyenne, c'est certain.
Je comprends donc ceux qui ont voté en faveur de cette initiative, car contrairement à ce qu'affirment les gardiens des dogmes européens à Bruxelles, la libre circulation n'a pas que des effets positifs pour la population, même si d'un strict point de vue économique elle a tout son sens. Ma volonté de sortir de la Rat Race, de briser les chaînes, figure d'ailleurs comme une réponse individuelle aux effets néfastes de cette liberté de circuler. Néanmoins, je suis un libéral dans l'âme et j'ai toujours considéré les contraintes étatiques comme néfastes. Certes, la libre circulation a des effets pervers, mais donner des pouvoirs supplémentaires à l'Etat (et donc en enlever à la liberté d'entreprendre) est pire encore. Il s'agit donc d'une mauvaise solution donnée à un réel problème.
Il y a eu déjà suffisamment de points de vue échangés entre partisans et opposants à cette initiative et je ne vais donc pas en rajouter une couche. Par contre il y a deux éléments, qui n'ont pas encore été relevés et qui m'interpellent. Le premier a trait à la démocratie directe, le deuxième au fédéralisme.
La démocratie directe
Que l'on soit satisfait ou déçu par le résultat de cette votation, il faut bien avouer une chose : la démocratie directe dont bénéficie le peuple suisse est un cadeau unique et fantastique. N'importe quel autre peuple au monde devrait défiler, protester, faire la grève, commettre des attentats ou même se lancer dans une guerre civile pour obtenir des changements aussi fondamentaux dans la gestion de leur pays. En Suisse les révolutions se passent en silence, dans les urnes. On a même quelques fois l'impression de ne rien voir venir, comme c'est le cas aujourd'hui.
Bien entendu, la majorité n'a pas toujours raison. C'est d'ailleurs ce que beaucoup se disent en ce moment, notamment parmi les élites politiques et économiques. C'est ce dont j'essaie de me convaincre aussi quelque part. Mais en décembre 1992, lors du refus du peuple suisse d'intégrer l'Espace Economique Européen, toutes les personnes favorables à la votation avaient déjà pensé la même chose, moi le premier. Et l'histoire a quand même finalement donné raison à la majorité.
Tout est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. Ceux qui ont voté en faveur d'une limitation de l'immigration massive ne sont pas des demeurés qui ne comprennent la portée de leurs actes. La démocratie directe suisse possède une longue histoire et les gens votent au plus près de leur conscience, en prenant le temps de s'informer, de discuter et de réfléchir aux conséquences de leur choix. La preuve, ils sont capables de dire non à des vacances supplémentaires... Certaines élites à Bruxelles affirment que laisser le peuple s'exprimer à ce sujet est une erreur, car les gens n'ont pas assez de maturité, de recul et de connaissances pour le faire. Je pense au contraire que les citoyens peuvent prendre ce genre de décisions de manière bien plus réfléchie que les dirigeants européens qui siègent dans leur tour d'ivoire. Donc, si on est pas d'accord avec le peuple, plutôt que de le critiquer, on ferait mieux de réfléchir aux raisons qui l'ont amené à voter ainsi.
Le Fédéralisme
En plus de la démocratie directe, la Suisse est gérée selon une structure fédéraliste, avec des Cantons qui bénéficient d'une autonomie relativement importante. Beaucoup d'élus suisses romands, opposés à l'initiative sur l'immigration massive, s'insurgent en ce moment à propos de cette votation qui va imposer des restrictions dans tout le pays et pour tous les cantons, alors même qu'une bonne partie d'entre eux y étaient opposés. Certains conseillers nationaux réclament une application distincte de l'initiative en fonction des votes des cantons. On pourrait ainsi attribuer des quotas plus élevés aux cantons favorables à l'immigration. Paradoxalement certaines régions, favorables à l'initiative, sont les premières à réclamer des quotas généreux...
On peut comprendre le point de vue des élus qui réclament une application distincte du vote. Comment expliquer qu'une initiative lancée par un seul parti et soutenue seulement par une partie du pays s'applique à l'ensemble des cantons ? C'est une attaque en bonne et due forme aux valeurs fédéralistes de la Suisse.
Mais alors, pourquoi ces mêmes élus ont considéré comme tout à fait normal le résultat du vote sur l'initiative Weber ou sur la Loi sur l'aménagement du territoire ? Si on veut préserver le fédéralisme, on doit le faire pas seulement quand ça nous arrange, mais dans tous les cas. Il est triste de constater que les élus et les médias romands ne montent aux barricades que lorsqu'ils sont personnellement concernés...
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Bonjour Jérôme,
J ai beaucoup apprécié votre article et je me permets d ajouter 2 commentaires sans prendre parti non plus
Jérôme a rappelé :La démocratie directe :
Que l’on soit satisfait ou déçu par le résultat de cette votation, il faut bien avouer une chose : la démocratie directe dont bénéficie le peuple suisse est un cadeau unique et fantastique –
Selon le Temps/ Abonnés de Samedi : Dans les pays qui nous entourent , la Démocratie directe aurait du bon
Il en ressort que 61,8% des Allemands, 69,7% des Français et 77,5% des Anglais voudraient limiter l’immigration. La question a été ainsi posée: Dimanche dernier, les Suisses ont voté et accepté un projet contre «l’immigration de masse». L’initiative veut limiter quantitativement l’immigration. Si votre pays devait voter le week-end prochain sur un tel projet, est-ce que vous l’accepteriez?
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Quand il m arrivait d aller en Angleterre , il y avait encore 2 files pour les passeports :
En posséder deux avait certains avantages :
– Union Européenne (donc mon passeport français )..
– Autres pays ….Avec mon Boss , de Nationalité Suisse , on atterrissait avec Swissair , après deux ou trois avions de Pakistanais ou d Africains , il fallait compter une demi-journée pour le voir émerger …..ce qui le mettait d une humeur charmante pendant tout le séjour….
Merci Jérôme pour cet article…sur lequel j’aimerais faire 3 remarques:
1. Je trouve la phrase suivante un peu courte en argumentation et ne vois pas tellement le rapport entre l’un et l’autre: ‘Depuis l’ouverture des frontières notre vie à tous a changé…’. En tout cas si notre vie a changé, le lien avec l’ouverture des frontières reste à démontrer à mon avis, sans compter que si elle devait avoir changé, il faudrait aussi examiner les effets positifs.
2. Il est regrettable qu’en dépit de tout ce qu’il y a à perdre à jouer ce jeu, la Suisse ait voté en faveur de la limitation à l’immigration. Nous sommes ici dans un ilôt et que cela nous fasse plaisir ou non, nous devons composer avec nos voisins. La Suisse a déjà pas mal poussé le bouchon (en sa faveur) avec les bilatérales, n’a rien trouvé de mieux que de se tirer dans le pied. Il y a un manque de réalisme aberrant sur l’analyse de la situation de la Suisse. Les étrangers en Suisse sont productifs, contribuent à leur richesse et à celles des Suisses, pour l’immense majorité.
3. Un article dans The Economist de cette semaine nous rappelle que l’Argentine, en 1914, était l’Eldorado. Toute personne voulant émigrer hésitait entre la Californie et l’Argentine: PIB plus important que la France, l’Allemagne et tous les pays limitrophes. Bref, une success story. En 2014, après avoir fait un mauvais choix après l’autre, regardons où en est l’Argentine. Les auteurs de l’article font le parallèle avec l’Italie et la Grèce, un pays peut très rapidement se trouver en situation délicate si on accumule suffisamment de mauvaises décisions (les mauvais dirigeants étant compris dans les mauvaises décisions…). La Suisse est bien loin de cela, mais c’est aussi le manque de volonté de voir la réalité en face qui a coulé (et handicape) l’Argentine aujourd’hui. A bon entendeur…
Armand, je me permets de compléter :
1) Certes tout n’est pas lié à la libre circulation, mais cette dernière a eu indéniablement des effets : autoroutes congestionnées dès 6h00 du matin et jusqu’à 20h00, notamment à partir d’axes venant des pays limitrophes et pas forcément prévus pour cela, pression généralisée sur les salariés, arrivées en masse dans les entreprises, surtout internationales, de main d’oeuvre, de personnel détaché, rémunérés à des tarifs parfois plus que discutables, et possédant une culture du travail qui est parfois moins orientée vers le partenariat social. Oui notre vie a changé, en tout cas celle de bon nombre de salariés, mais comme je l’ai dit dans mon article, j’étais opposé à cette initiative, car je sais aussi que cette libre circulation a permis a bon nombre d’entreprises de croître et prospérer, ce qui se répercute positivement sur toute l’économie de notre pays. Et puis ce n’est pas une vulgaire loi dépassée qui va à elle seule régler les problèmes précités. C’est un sujet beaucoup plus complexe.
2) Oui, non seulement les étrangers sont productifs, mais en plus ils sont nécessaires à bon nombre de secteurs économiques et de régions qui ont besoin de forces vives qu’on ne trouve pas en Suisse.
3) Tout à fait d’accord. D’ailleurs on est en train de réaliser une succession de très mauvais choix pour la liberté d’entreprendre : Weber, aménagement du territoire et immigration. Certains citeront aussi l’initiative Minder… personnellement je considère qu’elle est libérale puisqu’elle donne le pouvoir aux actionnaires 😉 Reste maintenant plus qu’à espérer que les salaires minimaux à CHF 4000 ne passent pas la barre car là ce sera une réelle catastrophe pour les secteurs à faible valeur ajoutée et les régions périphériques. Juste pour rêver ou cauchemarder : vous planifiez votre retraite dans les Alpes Valaisannes, mais il n’y a plus de chalet disponible à cause de Weber et de la LAT. Alors vous vous rabattez sur les hôtels parce que vous avez la chance d’avoir beaucoup de moyens. Mais il n’y a plus de personnel de service à cause de la loi sur l’immigration et plus de personnel de nettoyage à cause de l’initiative sur les salaires minimaux. En fait il n’y a plus d’hôtels du tout, plus de chalets, plus de restaurants. Il n’y a plus non plus de bureaux de poste. Il n’y a plus rien, à part les animaux sauvages. Weber est heureux. Enfin des vrais vacances.
Bonjour à tous ,
Ne serait on pas en plein hiver de Kondratieff ??
Jerôme , Comme déjà écrit , j ai apprécié votre intervention , mais dans votre dernier post ,
vous vous faites l écho d un des arguments discutables :
* autoroutes congestionnées dès 6h00 du matin et jusqu’à 20h00, notamment à partir d’axes venant des pays limitrophes*
Si le phénomène est évident , il a des explications occultées
Parce que , ne pouvant pas trouver à se loger à cause des tarifs de loyer exorbitants , à GENEVE , un bon nombre de *Frontaliers sont porteurs d un passeport Suisse , ou alors n ont conservé sur Genève qu une adresse ou en fait ils
n habitent pas * –
Un Président de Commune Française que je connais bien , malgré l insistance de son Conseil Municipal m a indiqué , ne pas vouloir que l on recense les plaques CH qui restent la nuit dans sa Commune , mais le chiffre global de ces*Frontaliers* vous surprendrait certainement .
Je pense que si ce Président de Commune Français est compréhensif , c est qu il avait exercé sa vie active , comme frontalier…… Il y a avec le ciel des accommodements
Mais je n’ai jamais dit le contraire… ce n’était pas une attaque contre les frontaliers français. Juste une constatation de la joyeuse réalité qui prévaut sur les autoroutes pour l’ensemble des pendulaires.
Cette nouvelle à traversé jusqu’ici… au Québec. Y avait-il un réel problème à cette immigration? Est-ce qu’une pénurie d’emploi de qualité pour les Suisses est à l’origine de ce vote… si serré soit-il?
Il y avait certes des problèmes, mais pas de quoi en faire une loi rétrograde. Et pas de chômage le justifiant non plus.
Au passage bienvenue dans la confrérie des blogueurs sur les dividendes, cher collègue 😉
Il faudrait quand meme remettre l’eglise au milieu du village (comme on dit chez nous):
– Le « oui » a passe avec 19,500 voix d’avance. Moi qui habite dans un pays de 1.5 milliards d’habitants, ca me fait bien rigoler!
– Les grandes villes de Suisse comme Zurich, Geneve, Bale ou Lausanne ont vote contre, ce qui demontre que ce vote est un vote de peur car la campagne, peu touchee
par le chomage et ou il y a moins d’etrangers, a vote massivement pour.
– J’ai beau regarder les differents articles ou documents, cette initiative est peu claire dans son application. Helas, c’est la a mon avis le plus grand defaut de notre systeme de democratie directe: on fait voter le citoyen lambda sur des themes generalement complexes (comme le systeme de retraite) et l’application qui en decoule est tres floue (cf. lex Weber)
– Je comprends que cette initiative irrite quelque peu l’UE et fasse les choux gras des journalistes bien pensants et gauchisants mais j’ai personnellement constate un reel « dumping salarial » sur des jobs qualifies depuis la libre circulation des personnes (certains chasseurs de tete me l’ont avoue a demi mot, d’autres me l’ont clairement confirme!). J’imagine que cet effet est aussi vrai pour les jobs moins qualifies. Donc il y a des effets negatifs pour le Suisse moyen que je suis. Et admettons que les bouchons sur l’autoroute, hausse vertigineuse des prix de l’immobilier et trains bondes soient un effet colateral de la croissance economique suisse, il y a quand meme un vrai probleme de la libre circulation des personnes qui touche enormement de personnes en Suisse.
– Pour mettre la Suisse et l’Europe en perspective: les pays du Nouveau Monde ont une politique d’immigration tres selective et dans les pays emmergeants l’etranger est « tolere » mais sans plus. Cela ne choque personne et les pays comme le Canada, les US ou l’Australie ne sont pas critique pour autant. Il est bien sur tres facile de critiquer un petit pays comme la Suisse avec ses 8 mio d’habitants.
Voila, il faut voir ce que cette initiative va donner. Est-ce que ca sera un « non evenement » de plus comme l’initiative contre la construction de minarets? (pour l’anecdote: j’avais du rassurer mes collegues et amis musulmans que ce vote n’avait aucune importance, que cela ne servait a rien, que le soufflet allait retomber quelques semaines apres, que les journalistes allaient se calmer, que rien n’allait changer car personne ne veut construire de minarets en Suisse de toute facon…..et le temps m’a donne raison).
Merci Birdie pour cette analyse tête froide comme je les aime. Tu as raison de rappeler qu’elle a été acceptée par une très courte majorité et qu’effectivement son application est floue et complexe, tout comme l’était celle de Weber. Concernant le dumping je confirme que c’est une réalité, même si cela ne touche pas tous les secteurs et toutes les régions. Finalement comme tu le dis, il est possible que ça devienne un non événement, un peu à la manière des minarets, toutes proportions gardées… car il y aura quand même pas mal de boulot avant cela pour le gouvernement afin que tout ce binz devienne un mauvais souvenir.
Mais au fait , qui decide en Suisse du déclenchement et du sujet d un referendum ??
C’est la plupart du temps un parti politique (en l’occurence ici l’UDC), parfois des associations (Helvetia Nostra et Fondation Weber pour l’initiative du même nom)
OK merci , c est ca qui est important ! les conditions d organisation d un referendum et le choix du sujet ,, il faut prendre le probleme à la racine , en questionnant n importe quelle population n importe quand et sur n importe quel sujet on peut vite se faire trés peur ,,,,, ; quoi qu il en soit , le systeme helvete me parait plus courageux que le notre en faisant plus appel à la démocratie directe et dans certains cas il me semble , en requerant une unanimité pour certains élus ,,,, en France nous sommes dans le déni que ce soit pour les pbs sociaux ou financiers ,,, on va tous se faire chypriotiser au final ,,,, 😉
Bonjour
En France, le sujet est trop sensible. Donc on avance cahun caha sur ce sujet. Faire un référendum même si c’est démocratique pourrait selon les résultats se faire dresser les gens les uns contre les autres. La tolérance verbale n’est pas forcément reproduite dans les urnes et vice versa. C’est un vrai sujet de fracture dans la société française.
Ludovic
Qu est ce qui est le plus dangereux ?? ( en France of course ,,,, ) tenir bon dans le deni jusqu a la derniere extremité ou bien reconnaitre ( comme en Suisse ,,,) le droit au peuple à décider de son propre avenir ,,,
Il n’y a que l’histoire qui nous dira laquelle des stratégies est là meilleure. Même si je ne suis pas ok avec les « solutions » apportées par cette initiative il faut bien avouer que la démocratie directe suisse fait bien souvent les meilleurs choix. Et quand elle fait les mauvais, elle apprend et corrige le tir.