Dernière mise-à-jour : 2 janvier 2017
Depuis que j'investis en bourse j'entends souvent parler autour de moi de méfiance envers les marchés boursiers. Quand je dis que j'achète des actions les gens deviennent sceptiques, pour ne pas pas dire critiques. Je peux comprendre quelque part leurs inquiétudes étant donné les mauvaises surprises que nous ont fait traverser les marchés financiers depuis 2000. Mais le risque n'est pas toujours là où on le croit. L'argument qui revient sans cesse est plus ou moins le suivant : "Je préfère laisser mon argent sur mon compte épargne, comme ça je peux dormir sur mes deux oreilles". Soit, alors pour s'amuser on va juste voir ce que ça donne.
Admettons que vous ayez ouvert un compte de ce type en 1996. Pour faire simple on va dire que vous avez touché un héritage de 10'000 francs de votre grand-mère, que vous les avez placés et que vous n'y avez plus touché (aucun versement, ni retrait). 15 ans après, à fin 2010, selon les taux appliqués durant cette période, vous auriez gagné 2'067 francs en intérêts. C'est pas énorme, mais vous ne vous êtes pas pris la tête, et vous êtes quand même un peu plus riche. Quoique...
On a oublié le renchérissement. Les 10'000 francs que vous avez touchés en 1996 ne valent plus autant ! Les prix ont grimpé, les primes d'assurances et le loyer aussi, quant à votre salaire... il devrait avoir fait de même. Au total durant la même période, le renchérissement s'est élevé à 13%, ce qui est encore correct, grâce à la prudence légendaire de la Banque Nationale Suisse. Donc, votre gain réel, n'est plus de 2'067 francs, mais de 680 francs. Ou 45 CHF par année... à partir d'un capital de départ de 10'000 francs, ça fait déjà moins glorieux. Sans compter que vous avez encore dû payer les frais bancaires et des impôts sur les intérêts créditeurs. Au final si vous n'avez pas perdu de l'argent vous pouvez être content. Pire, si vous aviez placé cet argent à partir de 2004 seulement, vous perdiez de l'argent à coup sûr (en termes réels) !
Année | Renchérissement (%) | Compte épargne (%) | Gain réél (%) |
1996 | 0.8 | 2.48 | 1.68 |
1997 | 0.5 | 1.89 | 1.39 |
1998 | 0 | 1.64 | 1.64 |
1999 | 0.8 | 1.46 | 0.66 |
2000 | 1.6 | 1.88 | 0.28 |
2001 | 1 | 1.64 | 0.64 |
2002 | 0.6 | 1.35 | 0.75 |
2003 | 0.6 | 0.75 | 0.15 |
2004 | 0.8 | 0.72 | -0.08 |
2005 | 1.2 | 0.65 | -0.55 |
2006 | 1.1 | 0.75 | -0.35 |
2007 | 0.7 | 1.06 | 0.36 |
2008 | 2.4 | 1.18 | -1.22 |
2009 | -0.5 | 0.8 | 1.30 |
2010 | 0.7 | 0.68 | -0.02 |
Cumul | 12.99 | 20.67 | 6.80 |
Du coup, quand on y pense, on dort déjà moins sur ses deux oreilles. Mais bon, au moins on n'aurait pas tout perdu en bourse ! Ah oui, tiens, qu'est-ce qui se serait passé si on avait investi dans la bourse suisse durant la même période (1996-2010) ?
Le SPI (Swiss Performance Index) qui regroupe l'ensemble des actions cotées à la SIX Swiss Exchange, affiche durant la même période une rentabilité totale (avec dividendes) de 166% ! Cela signifie que les 10'000 francs hérités de votre grand-mère vous auraient rapporté 16'660 CHF. Vous auriez donc aujourd'hui un capital total de 26'660 francs. Bien entendu, il vous faut encore soustraire 1'300 CHF pour la perte du pouvoir d'achat, et payer quelques frais bancaires et des impôts sur les dividendes (et uniquement les dividendes, pas sur le gain en capital !). Mais même avec ces déductions, et même si vous aviez considéré l'année 2011 qui était médiocre sur les marchés financiers, vous vous en tireriez avec un bilan qui est sans commune mesure avec celui d'un compte épargne. Et pourtant la période observée ci-dessus est loin d'être idéale pour la bourse...
Maintenant je vais porter l'estocade. Il y a un dernier point dont on parle rarement et c'est même étonnant quand on y pense. Pourquoi croyez-vous que les millionnaires suisses possèdent tant de titre déposés auprès de leurs banques ? Juste l'appât du gain ? Il y a certainement un peu de cela, oui, mais ce n'est pas tout.
Jusqu'à la disparition de Lehman Brothers en 2008, on croyait les grandes banques à l'abri de la faillite. Mais depuis lors, on ne fait plus que de parler de ce risque. Pour calmer le jeu, la garantie des dépôts a dû être augmentée à 100'000 francs. La loi fédérale sur les banques prévoit ainsi que les dépôts effectués auprès d’une banque, en cas de faillite de celle-ci, sont privilégiés, dans la mesure où ils sont honorés en premier sur les actifs de la banque en faillite, avant les créances des autres créanciers non privilégiés. Le système de garantie des dépôts des banques et négociants en valeurs mobilières garantit le remboursement des dépôts en cas de liquidation forcée ou de mesure de protection. Si les actifs de la banque considérée ne suffisent pas à payer l’ensemble des dépôts, leur paiement est garanti par les autres banques.
Tout ceci n'est pas très clair... on parle de dépôts privilégiés et de paiement garanti par les autres banques. On peut se demander ce qu'il adviendrait en cas de faillite systémique, comme on en parle actuellement. Si l'ensemble du secteur financier se porte mal, sans compter les Etats qui n'ont plus les moyens de lui venir en aide, cette garantie sera tuée dans l'oeuf. Et puis dans le meilleur des cas, ça se limite à 100'000 francs. Pour beaucoup d'entre nous ça suffirait, mais pour un millionnaire c'est plus ennuyeux, même en plaçant ses billes dans plusieurs banques.
C'est là que ça devient intéressant car jusqu'ici on n'a parlé que des dépôts bancaires. Contrairement à ces derniers, les valeurs déposées (par ex. actions, parts de placements collectifs et autres titres) sont la propriété du client. En cas de faillite d'une banque, elles sont immédiatement et intégralement distraites de la masse, c'est à dire qu'elles ne tombent pas dans la masse en faillite mais sont remises aux clients. Cette réglementation concerne toutes les valeurs déposées, mais aussi les métaux précieux conservés à la banque et propriété du client.
En conclusion, pour autant qu'on diversifie ses placements, investir en bourse est moins risqué et plus rentable que placer ses sous sur un compte épargne. Juste histoire de dormir sur ses deux oreilles.
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Encore une fois, CQFD. Très bon article, comme d’habitude ! Merci pour votre implication à rédiger ce blog.
Merci pour votre commentaire et bonne bourse à vous.
Merci pour ce calcul qui m’a interpellée.
Tout d’abord, comment un investisseur disposant de SFr.10000 pouvait-il accéder à la performance du SPI, qui nécessite d’investir dans 230 valeurs différentes de façon pondérée, sans passer par un fond géré par un établissement financier qui se serait largement servi les plus-values au passage, et sans y perdre en frais de courtage loin d’être négligeables s’il y allait en direct – je ne suis même pas sûre que le trading en ligne était possible en 1996 en Suisse?
Cet investisseur avait en fait une autre option minimisant le risque (du moins à l’époque), utilisant indirectement la gestion financière de professionnels mais gratuitement, et qui lui aurait rapporté entre SFr. 16000 et 20000 selon son taux marginal d’imposition, net de frais d’investissement et non imposés sur la fortune ni sur les intérêts (contrairement au compte épargne)…
Je suppose simplement qu’au décès de sa grand-mère notre investisseur était encore actif et donc probablement salarié, et qu’il avait la possibilité de racheter SFr.10000 de sa caisse de pension en 1996. Certes, les retraits sont limités mais pour se constituer une bonne épargne logement ou retraite, c’était l’idéal! Et avec un taux marginal d’imposition de 30% (je crois de mémoire que cela va jusqu’à 45%), SFr. 3000 d’économies d’impôts se font sur le rachat… à réinvestir (et je croyais jusqu’à récemment que c’était plafonné, mais cf Hildebrand…)
Enfin, si notre investisseur avait eu l’occasion de combiner cette somme avec sa propre épargne pour acheter un bien immobilier, là il aurait fait beaucoup mieux. +50 en moyenne Suisse, +100% (doublement de la mise!) sur l’arc lémanique rien que de 2001 à 2011.
Tout cela peut être bien sûr combiné… c’est d’ailleurs ce qui me motive à musarder ici pour comprendre les différents investissements possibles (merci pour ce site bien pédagogique)
Petite correction (j’ai oublié le renchérissement dans mon calcul trop rapide avec les taux LPP depuis 1996) – il reste en gros 14000 de base + l’économie fiscale qu’on peut estimer entre 1000 et 5000 francs à la louche.
Bonjour Capucine et merci pour ces compléments d’information bien complets.
J’aurais pu être plus précis en effet sur la méthode, mais le but de l’article se voulait plus un brin provocateur par rapport au compte épargne. Effectivement d’autres solutions existent comme l’immobilier que vous mentionnez.
Les ETF n’existaient pas en 1996 à ma connaissance mais ils pourraient actuellement constituer une des possibilités d’investir sur un indice à moindres frais (courtage et gestion).
Concernant la caisse de pensions, le rachat est possible, mais à ma connaissance il est limité à la couverture d’assurance éventuellement lacunaire. C’est par contre effectivement déductible fiscalement. Par contre il y a une confusion, ou alors je ne comprends pas bien, lorsque vous parlez de rachat, puis de retrait. Le rachat est déductible, mais le retrait est imposé. Pouvez-vous préciser svp ?
Pouvez-vous aussi expliquer ce que vous entendez par l’utilisation « indirectement de la gestion financière de professionnels, mais gratuitement ».
Encore merci pour votre commentaire de qualité.
Un super billet contre les détracteurs de la Bourse.
Par ailleurs, le gouvernement français n’aime pas la Bourse car il va bientôt adopter une taxe sur les transactions financières seulement sur les achats de titres ou actions dont le siège social est en France.
Merci pour ton commentaire.
Je ne sais pas que penser de cette taxe… l’intention peut être bonne, car il est clair que ce sont les hedge funds, les banques irresponsables et leurs traders déconnectés de toute réalité qui sont responsables du marasme financier, économique et social dans lequel on vit. Ils doivent donc payer pour cela. Finalement pour les investisseurs à long terme cette taxe n’a aucune incidence car leurs mouvements sont faibles.
Mais d’un autre côté je me dis que tant que tous les Etats ne l’instaureront pas, les requins de la finance trouveront toujours un moyen de ne pas s’en acquitter. Et puis, également, je pense que les Etats eux-mêmes doivent se responsabiliser. Ce n’est pas en instaurant plus de taxes, en faisant la chasse aux sorcières et aux soit-disant paradis fiscaux qu’ils vont régler leurs problèmes. Il faut commencer par faire un grand coup de balai dans les hautes sphères de l’Etat, il y a trop de gens qui sont payés pour ne rien faire, ou pire, pour faire des conneries…